Allumer le lampiste, donner du «Spanghero» comme os à ronger à la vindicte populaire, technique vieille comme le monde même si la communication de crise s’est aujourd’hui sophistiquée, c’est faire croire que ce qui est de l’ordre de la pratique courante n’est au final qu’accident, anomalie, dysfonctionnement, voire escroquerie.
Il s’agit de calmer l’opinion, en lui donnant du fusible, histoire d’éviter la crise systémique et l’effondrement par exemple, du secteur de la daube industrielle, vecteur économique particulièrement stratégique en France.
Rappelons au passage que le patron de la FNSEA syndicat agricole en situation de quasi monopole n’est autre que Xavier Bellin, également, quelle coïncidence, président d’un des tout premier groupe agro-alimentaire, la Sofiprotéol (filière céréalière) et pas trop regardant question OGM.
L’entreprise Spanghero donc qui n’appartient d’ailleurs plus aux Spanghero depuis 2009 mais à Barthélémy Aguerre, député suppléant de Jean Lassale (Modem) sert ici de magistral cas d’école en tant que coupable idéal dans l’histoire des "lasagnes Findus".
Non pas que le sieur Barthélémy jouant vicieusement du chantage à l’emploi soit un gastronome distingué oeuvrant pour l’éducation du goût populaire, qu’il soit un innocent aux mains sales ne semble faire aucun doute, mais comme les copains, il ne fait au fond qu’appliquer un règlement sans règles d’un marché dérégulé sous la pression des lobbies, du profit, avec la complicité tacite des politiques.
Pas de miracle, le démantèlement des services sanitaires, la recherche de la compétitivité à tout prix, le dumping mondialisé, le marketing packaging qui représente 40% du prix des produits, ne peuvent que pousser au nivellement par le bas et par loi de conséquence, à l’arnaque.
Encore n’y aurait-il qu’un problème de viande chevaline, substitut de bœuf… à tout prendre si la bidoche est bonne…, mais ce n’est pas de bon canasson dont on se bâfre ici, mais d’une sorte de «minerai», à savoir, cartilage, gras, viscères et collagène, cette sorte de merde bouillie agglomérée qu’on ne filerait même pas à des chiens.
De là à faire le constat qu’on nous traite pire que des animaux…
Alors que le scandale «chevalgate» éclate, la réintroduction au même moment comme une énième provocation, des farines animales dans nos quatre heures par l’Europe cynique et libérale en est la parfaite illustration.
Il faut savoir que Findus n’est pas plus une entreprise française de bouffe dégueulasse, qu’une entreprise monégasque ou guatémaltèque, elle est une multinationale appartenant à un fond de pension dont le job n’est pas de nourrir la planète mais de donner 10% de dividendes à ses actionnaires.
La tambouille Findus n’est pas à consommer mais à acheter.
Comme dans mon Flanby socialiste dont on trouve plus de traces de libéralisme que de bon caramel de gauche, Findus n’a d’autre finalité que de rassurer les marchés. Et pas celui du samedi matin sur la petite place derrière chez moi.
D’une certaine manière, encore heureux qu’il y ait fraude, elle permet, une fois de temps en temps de mettre le nez dans nos assiettes et de sentir combien ça pue. Non pas qu’on ne sache pas intuitivement de quelle mixture on se goinfre, mais du moins prenons nous conscience un instant de ce qu’on préfère occulter le reste du temps pour ne pas gerber.
En ce sens, nous consommateurs de vite fait pas cher, responsables, si ce n’est de nos budgets, du moins de nos achats conditionnés, pouvons en prendre notre part.
Seulement, quand le peuple carnivore gronde, et demain le peuple végétarien et demain le peuple tout court…parce que tout cet ultra capitalisme est basé sur le même principe de rentabilité immédiate et de course à l’échalote transgénique, il lui faut une tête pour défouler sa colère, un paratonnerre pour purger sa rage.
A la Société Générale ce fut le bouc émissaire Kerviel qu’on sacrifia sur l’autel de la fureur citoyenne et du lynchage médiatique. Kerviel, trader pas plus innocent ou coupable que les autres mais qui eut le malheur de se faire prendre et paya pour tous les traders de la bande à bancaire.
Kerviel, parfaite figure expiatoire s’il en est, puisque fatale imprudence, il n’appartenait ni au sérail ni à aucun réseau. Or chez ces gens-là, faut pas croire, on est solidaire, ou du moins, on sait jouer du tirage mutuel de barbichette. On ne se lâche pas comme ça.
Quand tout pousse à la chaîne hystérique de la médiocrité sonnante et trébuchante, pas s’étonner qu’allumer le lampiste permette de maintenir le système opaque et que la sempiternelle métaphore du sage montrant la lune à son disciple regardant le doigt prenne toute sa pertinence.
La désignation du lampiste, c’est Platon revisité en sa caverne ; l’illusion du coupable local dans l’ombre des responsabilités globales.
Par TG.Bertin - Rue Affre