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Le front de mer de l'ancien aéroport a été privatisé pour 915 millions d'euros
Jeu, 01/05/2014 - 12:34
Par Effy Tselikas (Athènes)
A un mois d’élections cruciales pour le pays, le gouvernement grec brade en catastrophe tout son domaine public pour faire rentrer de l’argent dans les caisses de l'Etat. Premier épisode avec la vente de l’ancien aéroport Elliniko après des années d’atermoiements.
915 millions d'euros, adjugé, vendu ! Le large front de mer de 3,5 km, tout près d’Athènes, considéré comme l'une des plus belles opportunités immobilières de tout le pourtour méditerranéen, ira donc à Lambda Développement SA. Cette société détenue par Spiros Latsis, riche armateur domicilié en Suisse, a remporté le gros lot, face à ses deux concurrents, la britannique London and Regional Properties et l’israélien Elbit Cochin Ltd.
Les voisins se rebiffent
L'aéroport international d'Elliniko a desservi la ville d'Athènes jusqu'en 2001, date à laquelle il fut remplacé par l'aéroport d'Elefthérios-Venizélos.
La destinée du terrain est déjà connue: ce sera un lieu touristique haut de gamme, avec marinas, hôtels, golfs, casinos, etc., sur le modèle de ce qui se fait à Dubaï ou Singapour. Un projet pharaonique assorti d'une alléchante promesse: 35 000 créations d’emplois attendues
Reste que le feuilleton n'est pas terminé. La cession de ces quelque 620 hectares, s’étendant de l’ancien aéroport Elliniko à la marina de même nom jusqu’à l’ancien centre de voile olympique Aghios Kosmas, fait grincer certaines dents
En l'occurrence celle du voisinage. Dix habitants des alentours ont porté l’affaire devant le Conseil d‘Etat, arguant que cette transaction du TAIPED, l’agence des privatisations grecques, porte sur des bords de mer, des plages et des étendues boisées dépendant du domaine public, qui sont par définition inaliénables. La vente serait donc illégale et anticonstitutionnelle.
Vente inconstitutionnelle
De plus, selon la Constitution, tout transfert d’un bien public à une entreprise privée doit se faire sur proposition de loi, votée par le Parlement et non sur décret ministériel comme c’est ici le cas.
Autre bémol: aucune étude environnementale, ni sociale comme l’exige la loi, n’a été faite. De même, vu que c’est une zone archéologique, il faut l’autorisation du ministre de la culture. Les maires des municipalités alentours, Elliniko-Argyroupolis, Alimos, … se sont joints à la requête des citoyens.
Andréas Tastanis, candidat à la mairie de Glyfada, une commune avoisinante, explique que
ce site, l'un des plus beaux de Méditerranée, est bradé à l’investisseur, sa valeur réelle est estimée entre 18 et 20 milliards d’euros !"
Christos Kortzidis, le maire de Elliniko, qui se bat depuis des années pour un développement durable de cette superficie, renchérit:
Ce sera un territoire de luxe, réservé à quelques nantis au lieu du vrai projet ouvert à tous, celui d’un aménagement durable du territoire de la région de l’Attique qui en a bien besoin".
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Vue aérienne de l'ancienne aéroport d'Elliniko
Une contre-société investit les lieux
Et Panos Totsikas, architecte et membre de la commission pour le combat pour le parc métropolitain d’Elliniko, d'insister:
C’est un crime environnemental de grande ampleur, agrémenté d’un scandale financier, qui va fortement peser sur notre pays. Les contribuables grecs vont payer les frais de mise à niveau des infrastructures du site (eau, électricité, voirie, voies de communication,etc.), d’une valeur de plusieurs milliards d’euros, et ne pas en bénéficier. En un mot, nous offrons la dot au mariage des investisseurs".
L’eurodéputé Kriton Arsenis parle, lui, d’une double violation des directives européennes, une sur les contrats publics et une sur les appels d’offres, avec, en plus, une exonération d’impôts illégale.
Sur les espaces abandonnés depuis de nombreuses années, de nombreux contestataires se sont installés, avec le soutien informel des autorités municipales des communes voisines. Une véritable contre-société est née, avec ses associations, ses clubs sportifs (utilisant les installations olympiques laissées à l’abandon) et même un dispensaire autogéré avec gratuité des soins.
Sommés d’évacuer les lieux ces derniers jours, ils sont toujours là.
Le gouvernement, en cette période électorale, fait profil bas, pour ne pas reproduire une affaire qui pourrait dangereusement ressembler au précédent français de Notre-Dame-des-Landes, l'hypothétique futur aéroport de Nantes.
http://fr.myeurop.info/2014/04/30/aeroport-athenes-privatise-bradage-13751