6 Avril 2014 , Rédigé par Le Mantois et Partout ailleurs
Ben non, Laurent Fabius est ministre des Affaires étrangères et du Développement international. Et à ce titre, il a aussi en charge le Commerce extérieur, pour la Françafrique mais pas seulement. Ainsi, le futur traité économique liant l'UE aux USA est de son ressort. C'est aussi la première fois qu'un ministre des affaires étrangères s'occupe du commerce extérieur!
Tant mieux, vu qu'il avait appelé à voter non à la constitution européenne en mai 2005?
Oui, comme Cocorico-Montebourg ou le nouveau professeur des écoles Benoît Hamon. En fait, des socialistes étaient contre l'Europe parce qu'il y avait de la friture avec la direction du PS. Mais dès que celui-ci leur a offert des places et puis des fauteuils sous les ors de la République, ils sont les plus grands défenseurs de l'UE de la concurrence libre et non faussée. La preuve, au gouvernement depuis mai 2012, ils laissent faire les compromissions de l'Europe dans le cadre du traité de libre-échange avec les USA.
Et où on en est de ce grand marché à la sauce du dollar US?
Article publié dans Le Canard Enchaîné du 19 mars 2014:
SANS tambour ni trompette, des délégations européennes et américaines se sont rencontrées tout au long de la semaine dernière à Bruxelles pour le quatrième round de négociations sur le fameux traité de libre-échange entre l’Europe et les Etats-Unis.Ce traité dont François Hollande a récemment dit devant Obama qu’il souhaitait sa ratification« le plus vite possible », ce qui nous promet bien du plaisir… Car son but est d’éliminer les «obstacles réglementaires inutiles au commerce ». Et ce dans tous les domaines : à part le cinéma, exception culturelle qui confirme la règle, tout sera passé au karcher : agriculture, environnement, énergie, aéronautique, automobile, services, contrats publics, normes, etc. Ça va saigner !
Un exemple ? On se souvient que le pétrolier texan Schuepbach, furieux que ses permis de forer en France soient devenus caducs à cause de la loi de juillet 2011 interdisant la fracturation hydraulique pour extraire les gaz de schiste, avait attaqué celle-ci en justice. Et que le Conseil constitutionnel l’avait envoyé bouler, en octobre. Pur archaïsme, évidemment ! Lorsque le traité transatlantique sera ratifié, le Conseil constitutionnel et les tribunaux français n’auront plus leur mot à dire. C’est le Cirdi, un tribunal d’arbitrage sis à Washington et dépendant de la Banque mondiale, qui sera juge. Plusieurs pays se mordent déjà les doigts d’avoir signé pareil traité de libre-échange, qui, sous prétexte de protéger les investisseurs, permet aux firmes privées d’attaquer les pouvoirs publics, et au droit privé de primer sur le droit national. Ainsi l’Uruguay, dont le Président,un ancien cancérologue très sensible aux méfaits du tabac, avait mené une vigoureuse campagne anti-clopes qui a fait baisser la consommation de 44 %. Le géant de la cigarette Philip Morris, estimant que ses « droits d’investisseur » ont été bafoués, réclame à I’Uruguay une indemnité de 2 milliards de dollars. Le Cirdi rendra son jugement l’an prochain (« Courrier international », 13/2)…
Dans un excellent petit ouvrage qui décrypte les 46 articles du mandat de négociation de la Commission européenne, et permet donc d’imaginer ce qui se passe dans les très opaques négociations actuellement en cours, Raoul Marc Jennar rappelle qu’il existe un précédent, l’Alena, accord de libre-échange qui lie depuis vingt ans États-Unis, Canada et Mexique. « En vingt ans, le Canada a été attaqué 30 fois par des firmes privées américaines, le plus souvent pour contester des mesures en vue de protéger la santé publique ou l’environnement, ou pour promouvoir des énergies alternatives. Le Canada a perdu 30 fois. » Et de raconter une plainte actuellement en cours. La ville américaine de Detroit est reliée par un pont à la ville canadienne de Windsor. Ce pont est totalement saturé par le trafic. Le Canada a donc décidé d’en construire un nouveau… Mais la firme privée américaine à laquelle appartient le pont embouteillé ne l’entend pas de cette ! Elle réclame 3,5 milliards de dollars de compensation au Canada, car « elle considère que la construction du nouveau pont est une expropriation de son investissement et qu’elle bénéficie d’un droit exclusif au franchissement de la rivière par un pont ». C’est-y pas beau ?
On se demande bien pourquoi les tractations entre l’Europe et les Etats-Unis concernant ce merveilleux mécanisme dit du règlement des différends, qui sera l’une des pierres angulaires du traité, ont été prudemment repoussées après les élections européennes. Mieux vaut tenir le populo à l’écart : il serait capable de comprendre que c’est dans ses poches que les multinationales s’apprêtent à se servir…
Jean-Luc Porquet
Note de ma pomme: Les couleurs sont de ma part. Pour le reste, faites passer cet article.
Il illustre bien que la Commisssion européenne et donc l'UE bradent ce qui reste du peu de souveraineté de notre vieux continent, et ce dans le dos des peuples. Et Laurent Fabius ministre à la fois des affaires étrangères et du commerce extérieur n'est pas le fait du hasard.. Cela montre que l'Elysée est le vrp du patronat et le soutien actif de l'UE capitaliste. Pourquoi un ministre des Affaires européennes, si on est d'accord sur le fond et la forme avec les traités européens édictés par Bruxelles? Notamment avec le traité de libre-échange qui va se conclure avec la seule signature de Bruxelles.
L'Europe, comme le capitalisme dont elle est l'outil, n'est pas à réformer. Elle est à détruire pour l'émancipation du vieux continent et la solidarité entre tous ses peuples, petits ou grands.
Essayer de la réformer de l'intérieur, avec la meilleure des volontès, c'est la gérer, comme le fait la social-démocratie avec le capitalisme.