Par François Ruffin, 6/05/2013 , N°60 (avril-juin 2013)
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Les éditions Fakir publient un livre collectif « Vive la banqueroute ! ».
En dix brefs récits, cet ouvrage raconte comment nos grands hommes (Sully, Colbert, Talleyrand, Poincaré, etc.) furent plus radicaux dans leurs actes que ne le sont aujourd’hui ATTAC ou Jean-Luc Mélenchon dans leurs discours.
Suivi de« L’irréalisme, c’est eux ! », entretien avec l’économiste Frédéric Lordon. Vous pouvez commander ce livre en téléchargeant un bon de commande ici ou dans une bonne librairie à partir du 16 mai. Voici un extrait du prologue.
Yves Calvi, animateur de C dans l’air : « Le seul enjeu de 2012 ne doit-il pas être la réduction de la dette française et les moyens proposés pour y arriver ? »
Nicolas Baverez, du Point : « Oui. »
Nicolas Beytout, des Échos : « Si. »
Jean-Pierre Gaillard, de LCI : « Bah oui ! »
Philippe Dessertine, professeur de finance et de gestion, qui signe régulièrement dans Libération : « Bien sûr... C’est bien tout le problème. »
Yves Calvi : « Tout le monde est d’accord ? »
Nicolas Baverez : « Il n’y a pas d’alternative au désendettement de l’État. » (France 5, 14 septembre 2011).
Cette petite musique, nous la connaissons par cœur.
La dette est à payer.
L’austérité, nécessaire.
Les réformes, impératives.
Sur tous ces points « il ne devrait pas y avoir de débat », prévient le Cercle des économistes. Qui ajoute : « la rigueur n’est pas un choix », « la priorité, c’est de réduire la dépense, et ce de manière enfin radicale ». La crise est « l’occasion de renoncer aux illusions sur l’État protecteur et de faire enfin le pari audacieux en faveur du marché ».
Ça n’est pas comme ça
Tout ce fatalisme, là réside leur habileté, se déguise en « leçon de réalisme ». Ainsi pédagogise chaque matin « l’édito-éco » sur ma radio, France Inter : face aux « chiffres durs de la réalité économique », face aux « principes de réalité » qui « s’imposent à tous », aux ministres socialistes, aux ouvriers de Peugeot-Aulnay, aux sidérurgistes de Florange, face à « une réalité économique incontournable », nous devons renoncer. Sans quoi nous voilà rejetés parmi les irréalistes, autant dire les rêveurs, les utopistes, les démagogues.
Même lorsque, à la télévision cette fois, Nicolas Beytout présente une œuvre d’éco-fiction, fantasmant notre pays en 2017, en faillite évidemment, avec un État « encadré dorénavant par le FMI et l’Union européenne », qui « ne pourra plus payer les retraites, les salaires de ses fonctionnaires, les remboursements médicaux », qui« devra aussi vendre des hôpitaux, des universités, des écoles », au nom de quoi nous livre-t-il ses prophéties catastrophistes ?
Pour« mieux interpeller sur la réalité économique de la France d’aujourd’hui », bien sûr.
Car « la France vit au-dessus de ses moyens », cela va de soi.
« Regardons la réalité en face », répètent-ils.
Tel un miroir, le réel ne renvoie plus qu’au réel.
La pensée en devient interdite, face à cette réalité posée là, comme un gros bloc solide, qu’il serait impossible de modeler, de transformer, de bouger, de contourner, de briser. Ne reste plus qu’à l’accepter et se taire. Jusqu’au « c’est comme ça » final, suprême tautologie : qu’on le prononce, et ils ont gagné. Que de découragement, que de démission, elle contient, cette expression passe-partout, « c’est comme ça », que de renoncement à la lutte, au changement, au progrès, « c’est comme ça », combien on les devine, les épaules baissées, le dos voûté, la voix désemparée « c’est comme ça », l’espoir évanoui, l’avenir rétréci, les lendemains qui ressemblent au présent, mais en pire.
Eh bien non, ça n’est pas comme ça.
Qu’on regarde la réalité ailleurs, en Équateur, en Islande, en Argentine, et c’est autrement, pas forcément le paradis mais autrement.
Qu’on regarde la réalité au passé, et il en existe « des alternatives au désendettement de l’État ».
Ce qui est n’a pas toujours été.
Et pourrait donc bien, demain, ne plus être.
L’histoire est une arme contre ces perroquets.
140 pages
Prix : 6 euros
Frais de livraison inclus
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