Article AC pour http://solidarite-internationale-pcf.over-blog.net/
(Légende de la photo: une conférence du think tank du PP où l'ancien premier ministre José Maria Aznar accueille l'ancien secrétairre-général des Commissions ouvrières José Maria Fidalgo)
Jusqu'où iront les Commissions ouvrières (CC.OO) dans sa dérive vers la « concertation sociale », autrement dit la collaboration dans les contre-réformes de casse du système de Sécurité sociale et du Code du Travail, promus tantôt par la droite tantôt par le PS ?
La nouvelle a produit le désarroi dans les bases syndicales des CC.OO, le syndicat historiquement sur des positions de classe, proche des communistes : son représentant dans le « Conseil des sages » destiné à préparer la nouvelle Réforme des retraites a voté pour le projet de droite.
Parmi les dix votes positifs de ce « Conseil des sages », neuf correspondent à des experts appointés par les banques et les assurances privées, ajouté à Migel Angel Garcia, professeur d'économie à l'Université de Madrid et directeur du Cabinet d'études économiques des CC.OO.
Le malaise, c'est que deux voix ont exprimé une position critique : M.José Luis Tortuero, spécialiste du droit du travail, membre du PSOE, s'est abstenu, tandis que M.Santos Ruesga, représentant de l'UGT, le syndicat réformiste proche du PSOE, s'est opposé.
Car la Réforme des retraites, préparée par la droite, s'attaque au point le plus sensible pour les retraités espagnols, jusqu'ici moins touchés que les salariés : la baisse directe du montant des retraites.
Le projet du gouvernement de droite : baisser le montant des retraites en les désindexant des prix
Deux ans après la réforme des retraites du PSOE, qui a notamment fait passer avec les syndicats l'âge de départ à la retraite de 65 à 67 ans, le Parti populaire (droite) s'attaque désormais au montant même des pensions, actuelles et futures.
Au nom de la dite « durabilité » des pensions, le gouvernement avance, sur proposition de l'Union européenne,l'allongement de la durée de cotisations (de 35 à 37 ans), du calcul des années pour le montant de la pension (25 ans).
Enfin, surtout le gouvernement prévoit la désindexation des retraites sur les prix, qui permet jusqu'à présent – tout du moins officiellement, au vu de la sous-estimation du taux d'inflation – de limiter la perte de pouvoir d'achat.
Or, la réforme prévoirait la ré-évaluation des retraites en fonction de la conjoncture économique, des rentrées du système ainsi que d'un « taux d'équité inter-générationnelle » qui indexerait, à la baisse, le montant des retraites sur la hausse supposée de l'espérance de vie.
L' « aile-droite » économiste du syndicat pousse pour la Réforme de la droite, la direction s'accroche … à la contre-réforme socialiste de 2011 !
Dans le syndicat des CC.OO, l' « aile-droite » organisée autour des économistes du syndicat pousse désormais ouvertement en faveur des contre-réformes proposées par la droite, le Parti populaire (PP).
Un courant organisé autour de l'ancien secrétaire-général des Commissions ouvrières, de 2000 à 2008, José Maria Fidalgo, lui-même très proche de la droite, ami d'Aznar et participant régulier aux conférences du think tank libéral proche du PP, « Fondations pour l'analyse et les études sociales ».
Fidalgo a continué la dérive réformiste déjà entamée par Antonio Gutierrez dès la fin des années 1980, la transformation du syndicat de classe en un syndicat de collaboration sociale, au nom du « dialogue social » et de l'intégration européenne. Les CC.OO adhèrent à la CES en 1988.
Dans les années 2000, sous la direction de Fidalgo, les CC.OO ont avalé toutes les couleuvres des réformes libérales, d'Aznar à Zapatero : contre-réforme des retraites mais aussi casse du Code du travai, privatisation des services régionalisés ou remise en cause des allocations sociales.
L'existence de ce courant droitier, lié au Parti populaire, n'a pas de mal à faire passer la direction actuelle, et le secrétaire-général Ignacio Fernandez Toxo comme plus « à gauche ».
Or, ce courant « centriste » est lui aussi partisan du dialogue social et tout aussi engagé dans le soutien critique aux réformes promues par les gouvernements, plutôt « socialistes ».
Ainsi, Ignacio Fernandez Toxo, sommé de clarifier la position du syndicat, a déclaré qu'à titre personnel « il n'était pas forcément favorable à une nouvelle réforme », se déclarant « satisfait de l'accord conclu en 2011 avec le gouvernement socialiste ».
Le Monsieur Retraite des CC.OO, Carlos Bravo, a déclaré que « la Réforme des retraites doit être le fruit du dialogue social », proposant une Réforme différente mais convergente de celle du pouvoir, refusant toute bataille revendicative autour de l'indexation des retraites sur les prix, ou sur le maintien de la durée de cotisations.
Il convient de rappeler qu'en 2011, les Commissions ouvrières avaient accepté la Réforme de Zapatero, reculant l'âge de départ à 67 ans, en échange d'une maigre compensation : retraite à taux plein à 65 ans pour ceux qui ont cotisé 38 années et demi … soit 4 ans de plus que la durée légale !
Colère des bases syndicales, opposition du « Courant critique »
Un tel alignement sur une contre-réforme de la droite a suscité une vague d'opposition très forte dans les bases du syndicat, contraignant certaines directions fédérales à désavouer la décision du représentant des CC.OO dans le Comité des experts.
De la même façon, le Courant critique (Sector critico) des Commissions ouvrières, représentant l'aile-gauche du syndicat, organisé historiquement depuis les années 1990 pour s'opposer à la dérive réformiste et à la rupture du lien entre Parti communiste et syndicat, a aussi condamné cette décision.
Dans le communiqué publié par le « Secteur critique », il est souligné que le vote positif du représentant des CC.OO« porte un nouveau coup à l'image et à la crédibilité de notre syndicat, face à une position qui n'a été débattue ni rendue publique dans notre organisation ».
Le courant de classe du syndicat appelle « à une position claire et une dénonciation à plus haut niveau du contenu du rapport » ainsi qu'à la « disqualification publique du représentant des CC.OO dans le Comité, si jamais il avait pris cette décision à titre personnel, exigeant que les mesures adéquates soient prises à son égard ».
La direction des Commissions ouvrières (CC.OO) est actuellement un des fers de lance de la Confédération européenne des syndicats, dont Ignacio Fernandez Toxo est le président, organe central de coordination des syndicats sur une ligne réformiste et pro-européenne.
Ces derniers jours, les Commissions ouvrières (CC.OO) ont également apporté tout leur soutien à l' « Alter-sommet » d'Athènes, qui réunit non seulement certains partis, associations de « gauche » aux profils très divers mais surtout une bonne partie des syndicats de la CES, dont la plupart – IG Metall, le TUC anglais, la CGIL italienne – collaborent, directement ou indirectement, à la politique de casse sociale.
Les bouches s’ouvrent dans le syndicat, comme dans le parti en Espagne. Plus que jamais est nécessaire en Espagne la reconquête du syndicat de classe, mais surtout la reconstruction d'un Parti communiste fort, et sur des positions de classe, en mesure d'éviter l'inexorable dérive réformiste du syndicat.