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  • : Le blog de Comite pour une Nouvelle Resistance- CNR
  • : L’association, s’inspirant des idéaux et des réalisations énoncés et établis par le Conseil National de la Résistance (C.N.R.) a pour but la mise en œuvre de réflexions, d’initiatives et d’actions visant à faire naître et vivre une « Nouvelle Résistance » favorisant la défense des conquêtes des mouvements sociaux de notre République.
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comité pour une nouvelle résistance C N R 06

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Lucie Aubrac résistante

St André des Alpes / 9 /07/11

Comité pour une Nouvelle Resistance- CNR / St André des Alpes / 9 / 07/ 11

 

Explication du maire , des raisons pour lesquelles  lui  et son équipe aient refusé le matin meme l'accès  à la salle alors que cette journée était prévue , organisée de longue date ...

Tout se termina bien  , Monsieur le maire et son équipe  ont fini par " capituler "  face à l'indignation de nos résistants d'hier...

22 février 2013 5 22 /02 /février /2013 08:51

banksters2013.jpg

De grandes banques mondiales archi-connues, qui ont pignon sur rue : la suisse UBS, récemment remise à l’honneur par l’affaire Cahuzac, et surtout la britannique HSBC

Ces deux banques ont récemment été convaincues de malfaisance répétée et généralisée.

UBS est le cerveau d’un formidable scandale de manipulation des taux, portant sur des montants astronomiques qui se chiffrent en centaines de milliers de milliards et connu sous le nom de Liborgate. 

Quant à HSBC, elle a tout simplement été convaincue de blanchiment d’argent de la drogue et du terrorisme, activité qu’elle pratique à grande échelle en tout cynisme depuis plus de 10 ans.

 

Gangsters Bankers: Too Big To Jail ( 5 pages )

L’article original   

 http://www.rollingstone.com/politics/news/gangster-bankers-too-big-to-jail-20130214

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18 février 2013 1 18 /02 /février /2013 21:29

lundi 18 février 2013, par Frédéric Lordon

 

 

Ce sera sans doute la perle de la crise. Karine Berger, députée socialiste, rapporteure du projet de loi dit de « séparation » et de « régulation » des activités bancaires, reprenant la parole en commission des finances après les exposés de MM. Chifflet, Bonnafé et Oudéa, respectivement président de la Fédération bancaire française, président de la Société Générale et directeur-général de BNP-Paribas : « Vos trois exposés laissent paraître que vous n’êtes pas réellement gênés par ce projet de loi ; j’en suis à la fois étonnée et ravie » [1]…


Qu’elle en fût uniquement étonnée n’aurait trahi qu’une charmante simplicité d’esprit. Qu’elle en soit au surplus ravie ne laisse plus le moindre doute quant au côté où elle se tient. Pour notre part, plus rien ne nous étonne dans les rapports du socialisme de gouvernement et de la finance — quant au ravissement, évidemment… « I am not dangerous », s’était empressé de préciser François Hollande à l’adresse de la City qu’il était venu rassurer après l’avoir nommée « l’ennemi sans visage », sans doute dans un moment d’égarement, caractéristique du contact avec la foule des meetings. Heureusement vite rattrapé. La députée Berger et le ministre de l’économie et des finances Moscovici, eux aussi, poursuivent le minotaure au pistolet à bouchon — inutile de rentrer les enfants, on ne prévoit pas de bain de sang.

 

 

 

popgun-55870-f34d1.jpgCe sera donc du gâteau pour les historiens d’ici quelques décennies de se livrer à l’analyse comparée des réactions respectives à la crise financière des années trente et à celle de 2007, et l’on saura à quoi s’en tenir quant à la tenue des élites des deux époques, leur degré de compromission avec les forces de la finance et de servilité vis-à-vis des puissances d’argent. « La solution du rapport Liikanen est certes trop radicale… », déclare sur le ton de l’évidence Karine Berger, à propos d’une de ses dispositions (relative au traitement des opérations dites de « tenue de marché »). « Certes ». Fouetter les banquiers avec le plumeau du rapport de la Commission européenne, c’est en effet d’une insoutenable violence. Ne connaissant pas à Karine Berger de lien financier crasseux avec les institutions bancaires — à la manière de certains économistes en Cercle — nous savons donc maintenant qu’on peut être vendu(e) à la finance sans en toucher le moindre sou ! Ce qui est peut-être pire encore… Un article de Benjamin Masse-Stamberger sur l’art et la manière du lobbying bancaire de vider un projet de régulation de toute substance [2], nous apprend (entre autres) que la vice-présidente (socialiste) de la commission des finances, Valérie Rabault, est l’ancienne responsable Risk Strategy des activités dérivés-actions de BNP-Paribas. « Loi de régulation bancaire », « commission des finances », « vice-présidente socialiste », « BNP-Paribas dérivés-actions » : inutile de jouer à « cherchez l’intrus » dans cette liste, dans le monde où nous sommes, il n’y en a plus. Bien sûr, dans un geste altier et pour ne pas donner prise à l’accusation de « conflit d’intérêt », Valérie Rabault, vice-présidente (socialiste) de la commission dérivés-actions de l’Assemblée nationale, a décliné d’être rapporteure du texte de loi. Il faut bien admettre que le cran juste au-dessus aurait consisté à faire rédiger le texte directement par Michel Pébereau, et ça aurait fini par se voir.


Mais au fond de quoi s’agit-il ? Trois fois rien : la race des seigneurs de la finance globalisée a perdu aux alentours de 2 000 milliards de dollars dans l’une des crises les plus retentissantes de l’histoire du capitalisme ; les banques françaises, pas feignantes, ont tenu à figurer dignement et à prendre toute leur part du bouillon. Car, pour toutes ses fanfaronnades, le système bancaire français aurait purement et simplement disparu sans les concours massifs de la Banque centrale européenne (BCE) et les aides d’Etat apportées par véhicules ad hoc interposés [3]. Sans doute les montants mobilisés en France sont-ils moindres qu’aux Etats-Unis ou au Royaume-Uni — il a fallu tout de même que ces véhicules lèvent 97 milliards d’euros [4] pour nos chères banques. Les banquiers se croient dégagés de tout arriéré au motif qu’ils ont remboursé les aides d’Etat. On leur rappellera donc d’abord que les contribuables français et belges plongent — pour l’heure — de 12 milliards pour le compte de Dexia. On leur rappellera surtout que le remboursement en question ne les exonère de rien du tout, et notamment pas de l’effondrement de croissance qu’ils ont laissé derrière eux, où nous sommes encore pour un moment, avec les dizaines de milliers de chômeurs supplémentaires qui vont avec.

 

 

 

Il était question d’historiens à l’instant, gageons qu’un de leurs motifs d’ébahissement tiendra à l’extravagante indulgence dont le groupe social de la finance aura pu jouir relativement à l’ampleur de son pouvoir de destruction avéré. Car cinq ans après le désastre : rien ! — et la « loi de séparation et de régulation bancaire » est à peine mieux que rien. L’idée de départ était pourtant simple : les marchés sont intrinsèquement instables, les activités de marché sont donc intrinsèquement déstabilisantes. Pas seulement pour elles-mêmes mais pour l’économie tout entière quand l’accident franchit des seuils critiques. Par conséquent, de deux choses l’une : ou bien l’on en prend son parti et l’on s’habitue par avance à devoir régulièrement repasser par des épisodes semblables, avec récession et mobilisation du corps social tout entier pour sauver la finance ; ou bien on choisit d’y mettre un terme, c’est-à-dire de cantonner la nuisance au cordon sanitaire. Dans un mélange de candeur et de parfaite sûreté de soi, Frédéric Oudéa, le patron de la Société générale, en effet « pas gêné » (au sens de Karine Berger), a cependant fini par lâcher le morceau en avouant que la loi de « séparation » n’allait le séparer que de 1,5 % du total de ses activités…


Pour avoir, donc, quelque chose qui ne soit pas rien, il aurait fallu au texte de loi, en dépit de toutes ses dénégations, ne pas se laisser complètement intoxiquer par les jérémiades de l’industrie financière qui jure que chacune de ses opérations, même des plus scabreuses, est une « contribution au financement de l’économie ». Mais les esprits socialistes ont été dévastés par l’idée que le financement par le marché est d’une incontestable modernité — « et donc » toutes les activités connexes qui vont avec : couverture, fourniture de liquidité, financement du shadow banking systemetc. Reste 1,5 %.

Tout au marchéRetour à la table des matières

« Quand certaines entreprises comme Vinci, ont besoin, pour financer des projets à dix ou quinze ans, de plusieurs centaines de millions d’euros, elles se tournent non pas vers des banques commerciales mais vers des banques d’affaire, qui pratiquent là des activités de marché non pas spéculatives mais utiles à l’économie concrète », proteste Karine Berger pour rejeter un amendement qui demandait plus que la simple filialisation des activités de marché. Mais rien n’établit que le coût total du financement obligataire soit beaucoup plus compétitif que celui d’un crédit bancaire classique. En revanche, on sait avec quelle brutalité une entreprise en difficulté peut se voir refuser tout accès aux marchés — ironie du sort, elle n’a plus alors qu’à trouver une banque secourable qui acceptera de lui sauver la mise avec du bon vieux crédit à la papa. Les banquiers français glapissent que, empêchés de conduire ces opérations de marché, ils perdraient clients, chiffre d’affaire et profit. S’agissant de leur chiffre d’affaire, de leur place dans la hiérarchie mondiale des plus grandes banques, et de leur profit, la collectivité doit d’emblée affirmer clairement qu’elle s’en fout ! Le corps social n’a aucun intérêt à jouer au jeu infantile de la plus grosse qui passionne les capitalistes (plus encore les financiers), il aurait même l’intérêt exactement contraire. Il s’en aperçoit désagréablement au moment de ramasser les morceaux en prenant conscience qu’un secteur bancaire qui pèse (en actif total) jusqu’à quatre fois le produit intérieur brut (PIB), comme c’est le cas en France, lui laisse entrevoir l’ampleur possible de la facture — et que la « grosse » lui laisse le fondement un peu douloureux.


Que les banques ne soient pas trop grandes, mais ternes et sans attrait, qu’elles fassent des profits modestes qui ne leur donnent pas le délire des grandeurs et n’engraissent pas les actionnaires (ou les traders), c’est exactement l’objectif à poursuivre. Quant à leurs grands clients, ces derniers comprendront assez vite que, supposé un coût supérieur du crédit bancaire (par rapport au financement de marché), celui-ci paiera bien la continuité d’une relation partenariale qui ne les abandonnera pas au premier tournant — là où les marchés les éjecteraient à la moindre difficulté sérieuse. Il y a donc peu de chance pour que Vinci ne confie plus ses destinées qu’à Goldman Sachs.

Mais la manie des marchés qui habite les socialistes français va maintenant jusqu’à souhaiter d’y plonger les petites et moyennes entreprises (PME). On sait assez que les relations de ces dernières avec les banques ne sont pas une allée semée de pétales de rose… Mais l’idée de les rendre modernes en les envoyant se faire voir au marché est une trouvaille où l’ineptie le dispute à l’entêtement idéologique. Car de deux choses l’une : ou bien seule la crème des PME y aura accès et alors, par construction, la chose demeurera marginale ; ou bien l’on y envoie gaiement le gros de la troupe, soit des milliers d’entreprises, et l’on se demande bien comment les analystes financiers ou les agences de notation pourront avoir quelques suivis sérieux d’un nombre aussi élevé de débiteurs, là où les réseaux d’agences bancaires, au contraire, ont une connaissance locale et fine de leurs clients — attendons-nous donc aux ratings à la louche façon subprime.

« Les activités de marché 
comme le cochon (tout est bon) »Retour à la table des matières

Bien sûr l’élite bancaire ne se reconnaît pas entièrement dans la métaphore charcutière, mais c’est quand même un peu l’idée. Ou plutôt le sophisme : si la forme supérieure du financement de l’économie est à trouver dans le marché, alors tout ce qui contribue à la belle activité du marché est peu ou prou désirable. Sous une forme un peu plus sophistiquée, l’argument se décline le plus souvent sous la thèse increvable de la liquidité : pour que des agents de l’économie réelle émettent avec succès des titres sur les marchés, il faut qu’ils trouvent preneurs, et pour que les preneurs acceptent de souscrire, il faut qu’ils soient certains de ne pas rester « collés » et de pouvoir sortir à tout instant du marché. Il importe alors que le segment de marché considéré connaisse une activité permanente suffisante pour que chaque vendeur soit assuré de trouver acheteur (et réciproquement). La liquidité, voilà donc la justification ultime de la spéculation qui en finirait presque par se présenter comme un service public : foin des appâts du profit — du tout, du tout — les spéculateurs, certes en première instance, étrangers à l’économie réelle, n’en sont pas moins ses fidèles desservants puisqu’ils s’offrent à être contreparties pour tous les autres agents qui ont besoin d’entrer ou sortir du marché, assurant finalement qu’il tourne bien rond, donc permettant qu’il finance efficacement… les agents de l’économie réelle, quod est demonstrandum.


Dire « spéculateur » est par conséquent inutilement blessant : préférer « teneur de marché ». Certes la « tenue de marché » révèle de fortes accointances avec la recette du pâté d’alouette car — étonnamment — on observe en général dix fois plus d’opérations spéculatives que d’opérations à finalité « réelle » — pour sûr le marché est bien tenu… La plus charitable des interprétations conclurait que le « service public de la liquidité » est fâcheusement entropique — et en fait, pur prétexte à la pollution spéculative. La liquidité serait aussi bien assurée avec… neuf fois moins d’opérations de « teneur de marché », et encore par beau temps seulement. Car, en cas de coup de tabac, les « teneurs », pas fous, font comme tout le monde : ils fuient le marché à tire-d’aile, laissant la liquidité s’effondrer, au moment où on en aurait le plus besoin.


Ce sont pourtant ces opérations de teneur de marché que la loi de « séparation » tient beaucoup à ne pas séparer — à l’inverse de la Commission européenne (rapport Liikanen), qui cède visiblement à tous les vents mauvais du populisme. Evidemment n’importe quelle opération spéculative pour compte propre peut, sur simple demande, être requalifiée de « tenue de marché » — c’est bien pratique. En résumé, tout et n’importe quoi sur les marchés est tenue de marché : toute offre puisqu’elle permet à un acheteur d’acheter, et toute demande puisqu’elle permet à un vendeur de vendre… Il suffisait d’y penser ! Puisque n’importe quoi contribue à tenir le marché et que le marché est ce-qu’il-nous-faut-pour-financer-l’économie, il faudrait être idiot, inconscient ou de mauvaise foi pour séparer quoi que ce soit — puisque tout sert. La commission des finances française s’est rendue sans hésitation à cet argument de simple bon sens — moyennant quoi, en effet, 1,5 % et Oudéa pas gêné.

Ne pas rompre avec nos amis les « hedge funds »Retour à la table des matières

C’est une direction tout à fait semblable, et en fait identiquement argumentée, que prend le texte de loi en matière de relation des banques avec les hedge funds. Fléaux avérés, les hedge funds, dont c’est constitutivement le principe que de prendre des positions risquées et très leviérisées, devraient être isolés dans l’équivalent financier de léproseries, et en tous cas interdits de toute relation avec le système bancaire — après tout, que les héros du marché se débrouillent pour trouver leur financement sur les marchés. Mais, se dit le ministre Moscovici, les hedge funds sont des éléments de ce shadow banking system, dont nous savons qu’il détient maintenant quelques 20 % du total des actifs financiers — interprétés, toujours par le même contresens, comme « 20 % des contributions au financement de l’économie » —, c’est donc très important — parce-que très utile à l’économie. La conclusion s’ensuit, comme déroulé de papier à musique : il ne faut surtout pas empêcher les banques de financer leshedge funds qui financent l’économie. Bravo ministre ! Une objection élémentaire lui signalerait pourtant que les banques pourraient financerdirectement l’économie au lieu de passer par la case hedge funds… qui en fait Dieu sait quoi. L’objection pourrait d’ailleurs être généralisée à tout leshadow banking system, ce trou noir agglomérant les entités financières les plus obscures et les moins régulées, et qui a pris cette importance uniquement parce que le crédit bancaire s’est laissé évincer au nom de la modernité. Que les banques universelles cessent de financer par crédit ce système de l’ombre, et ce serait simultanément le meilleur moyen d’en piloter l’attrition relative, et pour elles-mêmes de se protéger de la vérole que ce système ne cesse de répandre — rappelons que la catastrophe Bear Stearns commence avec la fermeture de ses deux hedges funds les plus « sophistiqués », que BNP-Paribas avait dû fermer inopinément trois des siens à l’été 2007, et que la grosse catastrophe tourne vraiment au vilain avec la fermeture des money market funds à l’automne 2008. Personne ne pourra soutenir qu’un financement sain des entreprises et des ménages ne pourrait être pris en charge par le simple crédit bancaire et ne pourrait être assuré que par ces entités.


Mais non ! Les banques universelles pourront continuer de prêter auxhedge funds et d’exposer à leur risque les dépôts du public. « Nous avons pris toutes les précautions », se défendent les promoteurs du texte, voyez seulement l’alinéa 10 de l’article premier : les banques ne pourront avoir d’exposition non sécurisée vis-à-vis des fonds à effet de levier. Et puisque ne seront autorisées que les transactions « sécurisées », n’est-ce pas que la sécurité règnera ? Mais en quoi ces sécurisations consistent-elles au juste ? En cette pratique extrêmement commune de la finance spéculative dite de la « collatéralisation » : une entité emprunte auprès d’une autre en déposant en gage un actif d’une valeur équivalente à celle du prêt contracté. Or rien n’est sûr dans cette affaire ! On notera pour commencer que toutes les opérations de prêt à des hedge funds sont déjàcollatéralisées (« sécurisées » au sens Moscovici-Berger) — c’est simplement l’actuelle pratique ordinaire en cette matière ! Et l’on comprendra alors que le texte de loi ne produit rigoureusement aucun changement, donc aucune restriction sous ce rapport.

Les illusions « collatérales »Retour à la table des matières

Mais surtout les actifs apportés en collatéral peuvent voir leur valeur s’effondrer, précisément à l’occasion d’une crise — les collatéraux sont supposément des papiers de « très bonne qualité », mais l’épisode de 2007-2008 a suffisamment montré que le réputé triple-A parfois ne valait pas tripette... Le débiteur est alors prié de compenser par de nouveaux apports, mais en une conjoncture de crise où très probablement ses positions sont en train de se détériorer à grande vitesse, et où sa liquidité se trouve mise sous haute tension. En d’autres termes, le fonds débiteur doit se procurer un supplément d’actif collatéralisant, et pour ce faire, d’abord de la liquidité, au moment précis où celle-ci lui manque le plus — parfois au point de voir tous ses accès aux financements de marché brutalement interrompus. Comme on sait, ce sont ces tensions ingérables sur la liquidité qui ont électrocuté tout le système financier par les circuits de la collatéralisation (et des appels de marge) en 2007-2008.


Du côté des créanciers qui reçoivent ces collatéraux, les choses ne sont pas plus sûres. Compte non tenu des problèmes soulevés à l’instant, les opérations de collatéralisation ne rempliraient vraiment leur office de back-up que si les collatéraux étaient rigoureusement conservés dans des comptes sanctuarisés. Mais qui peut croire qu’une banque pourrait ainsi mettre soigneusement de côté, en s’abstenant d’y toucher, les actifs qu’elle reçoit en collatéralisation de ses crédits ? Lorsque ceux-ci sont de bonne qualité (ou supposés tels), ils constituent une ressource financière qu’aucune banque ne consent à laisser oisive. Aussi la banque va-t-elle se défaire sans tarder du collatéral qui normalement la couvre, soit pour à son tour collatéraliser une de ses propres opérations quand elle se trouve du côté débiteur, soit pour retourner au cash en le vendant dans le marché. Il est désormais toute une partie des marchés monétaires, dite « Repo » (pour Repurchasing), qui procure de la liquidité à court terme contre collatéraux — et où ceux-ci circulent hardiment. Et lorsque vient le coup de grisou, i. e. le défaut d’un débiteur, par exemple d’un hedge fund, où est le collatéral ? Parti depuis belle lurette pour servir à prendre d’autres positions, dont certaines seront très probablement devenues perdantes en temps de crise — évidemment, tout comme la liquidité, la collatéralisation fait partie de ces « sûretés » qui fonctionnent très bien… quand elles n’ont à protéger de rien.


Comme souvent en matière de finance, le diable est dans les détails, ou plutôt dans d’obscurs recoins techniques, à l’image, par exemple, de la question des exigences de marges dans les transactions sur dérivés — dont on jugera a contrario du caractère stratégique à la manière dont les velléités du Dodd-Frank Act en cette matière ont été soigneusement annihilées par le lobbying bancaire nord-américain. La « gestion des collatéraux » en fait tout autant partie. C’est en effet par ce genre de canaux que se propagent les spasmes de la finance. Au lieu de se gargariser avec l’illusion des « transactions sécurisées », le législateur socialiste s’il avait deux sous de volonté régulatrice, réformerait drastiquement les dispositions relatives au traitement des collatéraux — ou plutôt en instituerait, puisque en ce domaine, les opérateurs financiers font exactement ce qu’ils veulent. On mesurera d’ailleurs l’inanité du socialisme de gouvernement à ce fait qu’il réussit même à être en retard sur l’autorégulation de la finance ! Car les banques elles-mêmes, pour le coup conscientes de ce qui a failli les tuer, commencent à se préoccuper sérieusement de modifier leurs pratiques en matière de collateral management [5] — jusqu’au point d’envisager de réserver les collatéraux pour leur faire jouer pleinement leur rôle de sécurité.


Malheureusement, l’autorégulation bancaire est affligée d’une lamentable inconstance. Sous le coup d’une peur bleue, les banquiers jurent qu’ils ont retenu la leçon et qu’on ne les y prendra plus… L’expérience montre pourtant que leurs bonnes résolutions s’évanouissent avec le temps qui les éloigne du traumatisme, pour être complètement oubliées quand revient l’euphorie de la bulle d’après. Ce que le législateur socialiste n’a visiblement pas bien compris, c’est la force de la loi, ou du règlement, seuls à même de tenir des autorégulés dont la « constance » est entièrement gouvernée par leurs affects du moment. Parmi toutes les œuvres utiles que ce texte de loi aurait pu accomplir, il y avait donc l’institution d’une stricte obligation de mise sous séquestre des actifs reçus en collatéral — et déjà l’on aurait entendu Frédéric Oudéa commencer à couiner. Proposition tout à fait générale et qui n’excluait en fait nullement d’interdire purement et simplement toute transaction des banques avec les hedge funds et leshadow banking system — après tout, on verra bien comment ces jolis messieurs se débrouillent privés de crédit bancaire.

Quelle séparation ?Retour à la table des matières

Non seulement la matière séparée, à force d’exemptions et de validation des pratiques ordinaires, est-elle tendanciellement inexistante (1,5 %), mais la forme même de la séparation a tout du concubinage prolongé. De ce point de vue, la « Volcker Rule », les rapports Vickers et Liikanen, ainsi que le projet Moscovici ont au moins en commun le même entêtement dans le contresens, et la même illusion de la « capitalisation séparée », alias : on range les activités « à problème » dans une filiale soumise à des ratios de capital (Tier-1) « plus exigeants », et nous voila parés contre tout inconvénient.


C’est n’avoir toujours pas compris que les ratios de solvabilité sont parfaitement secondaires dans ces processus de crise financière qui n’explosent que par le retournement brutal des jugements sur une classe d’actifs et la constriction foudroyante qui s’ensuit de la liquidité du segment de marché correspondant, puis de tous les segments latéraux, atteints de proche en proche par les effets de report de la ruée vers le cash [6]. On rappellera donc pour la énième fois que Bear Stearns et Lehman Brothers se sont effondrés avec des Tier-1 très au-dessus des minima réglementaires les plus exigeants. Après cinq années laissées à la méditation soigneuse des mécanismes et des conséquences de la crise financière, on est un peu consternés que les apprentis régulateurs n’aient toujours pas saisi que les plus belles capitalisations séparées ne protègeront jamais une banque de marché du désastre.


En réalité, la seule mesure faisant quelque peu sens en cette matière est celle proposée par Goodhart et Persaud de rendre les ratios de solvabilité contracycliques [7] : plutôt que d’être fixées une fois pour toutes, les exigences de fonds propres croîtraient proportionnellement aux prix de marché d’une certaine classe d’actif suspecte d’être en proie à une bulle, et des encours de crédit qui s’y déversent. Encore faut-il ne pas se méprendre sur l’effet véritable de cette mesure, qui a moins, comme on le répète à satiété, pour propriété principale d’épaissir le « coussin de capital permettant d’absorber les pertes », que de resserrer progressivement la capacité des banques à accorder des crédits dans le segment de marché considéré, donc de ralentir le développement de la bulle. En d’autres termes, les ratios de capital contracycliques ne participent pas tant, comme on le croit le plus souvent, d’une politique prudentielle que d’une politique monétaire (mais poursuivie par d’autres moyens), puisqu’il s’agit moins de renforcer la base de capital des banques que de réguler leur offre de crédit.

Misère de la filialisationRetour à la table des matières

Les contresens de principe n’excluant pas ceux d’exécution, le recours à la filialisation, par opposition au bank split en bonne et due forme, vient porter la complaisance régulatrice à son comble. Karine Berger s’exclame en commission des finances qu’en cas de pépin, la filialisation laisserait intacte à coup sûr la maison-mère — dépositaire des encaisses monétaires de la clientèle des particuliers. Car le texte de loi stipule que la filiale de marché doit être traitée par sa holding comme une entité extérieure, en conséquence de quoi lui sera appliquée la directive « grands risques » qui interdit à une banque de concentrer plus de 10 % de ses fonds propres dans des engagements risqués sur une seule entité. La banque holding ne pourrait donc se livrer à un éventuel renflouement de sa filiale au-delà de cette limite, en foi de quoi Karine Berger croit pouvoir conclure qu’« à [son]sens c’est la garantie d’une étanchéité absolue en cas de faillite d’une filiale vis-à-vis de la maison-mère » [8]. Il est cependant possible que « son sens » ne soit pas celui auquel il faille se confier aveuglément, et pour de nombreuses raisons.


En premier lieu, l’« étanchéité absolue » est tout de même autorisée à laisser passer 10 % des fonds propres… En second lieu, le règlement n°93-05 de la Banque de France, relatif au contrôle des « grands risques » [9], indique que le volume de risques sur une seule entité s’entend comme « risques nets pondérés », ce qui signifie que le volume brut de crédit de secours apporté par la holding à la filiale pourrait aller bien au-delà du seuil des 10 % de fonds propres. C’est bien ce volume brut qui importe en situation de crise, où comptent avant tout les ressources mobilisables pour faire face à une crise majeure de liquidité. On peut donc gager que la holding fournirait tout ce qu’elle peut à sa filiale pour la sauver, jusqu’au point où ses engagements bruts sur cette dernière excèderaient significativement 10 % de ses fonds propres — 10 % tout ronds, pour BNP-Paribas, ça fait tout de même déjà 7,5 milliards d’euros, une paille si la filiale venait en bout de course à faire défaut pour de bon. Mais comme toujours dans cette affaire, le danger n’est pas tant de manger les fonds propres que de se trouver face à des besoins urgents de liquidité impossibles à satisfaire. Or, précisément, en situation de crise, la liquidité est LE problème, et pour tout le monde. Qui peut imaginer que le spectacle d’une holding contrainte d’apporter dans la précipitation des concours à sa filiale, donc qui exprimerait des besoins de liquidité massifs, laisserait les opérateurs de marché indifférents, et qu’en serait-il alors de la possibilité effective pour cette holding de les financer ?


C’est en général à ce moment que la question de la solvabilité, objectivement secondaire, n’en fait pas moins retour, mais sous la forme vicieuse d’un accélérateur de panique. Car, pour tous leurs défauts de pertinence, les ratios de solvabilité n’en sont pas moins scrutés par les opérateurs des marchés de gros du crédit [10], où ils sont interprétés comme un signal sur la qualité des débiteurs… même pour la fourniture de liquidités de court terme [11]. C’est tout le charme de la finance de marchés que la croyance y fait loi : il suffit donc que le jugement des opérateurs se cristallise sur un indicateur quelconque pour que celui-ci acquière une importance, et un pouvoir d’entraîner des effets, qu’il ne possède nullement par lui-même. Si les opérateurs se mettent — et c’est le cas en situation de crise ! — à considérer que les débiteurs doivent être jugés d’après leurs ratios Tier-1 et que seuls les meilleurs auront accès à la liquidité, malheur à celui qui vacillera en cette matière : ses sources de financement se fermeront les unes après les autres, jusqu’à l’apoplexie finale… semblant donner raison à la « théorie » qui se sera en effet révélée « vraie »… mais pas du tout pour les raisons qu’elle croit. En tout cas voilà aussi ce qui pendra au nez de la holding encombrée d’une filiale de marché en train de prendre l’eau : car la holding devra consolider les pertes de cette dernière… et voir ses propres ratios de solvabilité prendre sérieusement de la gîte. Avec menace subséquente sur sa propre capacité à maintenir la continuité de ses financements… au moment où ils devraient être le mieux garantis pour venir au secours de la filiale en perdition.

Pour une loi d’apartheid bancaireRetour à la table des matières

A part ça, Karine Berger voit dans la (fausse) séparation par filialisation« une garantie d’étanchéité avec la maison-mère »« A [son] sens ». Mais tout est faux, « au sens » de n’importe quel autre regard tant soit peu décidé à tirer les conséquences de ce qui s’est passé, dans les invraisemblables préventions dont ce texte de loi fait preuve à l’égard de ce qu’on présenterait sans exagération comme le plus grand pouvoir de destruction sociale — mais celui-ci est en costume trois pièces, en vertu de quoi il passe rigoureusement inaperçu… en tous cas aux yeux de ses semblables. Pour qui pourtant veut bien se donner la peine de simplement s’y pencher, l’histoire économique, et sur tous les continents ou presque, regorge d’épisodes attestant la nocivité des marchés de capitaux libéralisés. La moindre des réponses à la crise présente, sans doute l’une des plus graves de toute l’histoire du capitalisme, ne pourrait viser en dessous de la ségrégation complète des activités de marché, dont il faut redire, et là encore attestation historique en main, qu’elles ne rendent aucun service important, ou presque, que le simple crédit bancaire ne saurait rendre («  et la Bourse des actions ! », s’écrient alors éperdus les amis de la finance de marché, même sous le fordisme il y en avait une — c’est qu’il n’était pas allé assez loin et ne s’était pas aperçu qu’on peut carrément s’en passer [12]).


Par une indulgence en fait coupable, on pourrait tolérer qu’il demeure des activités de marché. Mais sous l’interdiction formelle faite aux banques de dépôt d’avoir le moindre contact avec ceux qui s’y livrent. Comme on pouvait s’y attendre, la première protestation apeurée (bien à tort) des banquiers français est allée au rappel de ce que le modèle de banque n’était pour rien dans cette affaire, qu’on avait vu de pures banques de marché, comme Bear et Lehman, aller au tapis, et que les banques universelles « à la française » s’était très honorablement comportées. Sauf vaine discussion sur les points d’honneur de la profession bancaire, et le « comportement » réel des banques françaises à l’épreuve de la crise, on appréciera davantage le culot de ces messieurs. Qui sont touchants de candeur de nous enseigner que, oui, être assis sur le tas des dépôts aide bien à amortir les gamelles ! On en est donc arrivé au point où il faut leurrappeler que l’argent du public n’a pas exactement pour vocation de les aider à tenir plus confortablement le choc de leurs pertes spéculatives — on mesurera d’ailleurs l’arrogance innocente de la finance qui, pour se défendre, ne voit même plus le mal à consentir l’aveu qu’elle compte exposer les dépôts aux risques de ses turpitudes spéculatives, et qu’elle est même bien contente de les avoir sous la main !


Même le banking split complet [13], en lieu et place de la filialisation et des conceptions passablement Titanic que Karine Berger se fait de « l’étanchéité », ne suffirait pas à apporter une réponse satisfaisante. Il faut couper absolument toute connexion entre les institutions de dépôts et les banques de marché, non seulement, évidemment, tout lien capitalistique du type holding-filiale, mais tout lien de crédit ou de contrepartie avec n’importe quel acteur spéculatif, puisque c’est aussi par ce genre de canaux que les dépôts finissent par se trouver exposés. Ceci signifie qu’une banque commerciale ne pourra en aucun cas être impliquée dans une relation de crédit avec une banque de marché — en tous cas du côté créancier. Laquelle clause suppose alors d’instituer deux marchés interbancaires séparés. Voilà ce qui suit de prendre au sérieux l’idée deséparation bancaire : séparation dans tous les domaines ! Séparation des institutions bancaires elles-mêmes ; séparation de leurs conditions réglementaires (ratios de capital, leviérisation, etc.) ; séparation des marchés interbancaires ; et comme on l’avait proposé il y a quelque temps déjà [14], séparation des taux d’intérêts de la banque centrale pour les refinancements respectifs des banques commerciales et des banques de marché [15].


Si le socialisme de gouvernement n’était pas complètement colonisé de l’intérieur par la finance, s’il lui restait quelques audaces et s’il avait pris un tant soit peu la mesure des désastres que la finance de marché a infligés au corps social, ça n’est pas cette indigente loi de « séparation » qu’il lui imposerait. Mais une loi d’apartheid.

Notes

[1] Compte-rendu n°60, commission des finances, séance du mercredi 30 janvier 2013, p. 7.

[2] Benjamin Masse-Stamberger, « Réforme bancaire : des lobbys très investis »,L’Expansion, 5 décembre 2012.

[3] La SFEF (Société de financement de l’économie française) pour les crédits de secours et la SPPE (Société de prise de participation de l’Etat) pour les apports en (quasi) fonds propres.

[4] Dont 77 milliards au titre des prêts de la SFEF et 20 milliards au titre des prises de participation de la SPPE.

[5] Voir Anuj Gangahar, « Default protection : collateral management grows in strength », Financial Times, 19 septembre 2011.

[6] Voir « L’effarante passivité de la “re-régulation financière” », in Les Economistes Atterrés, Changer d’économie, Les Liens qui Libèrent, 2012.

[7] Charles Goodhart, Avinash Persaud, « How to avoid the next crash », Financial Times, 30 janvier 2008.

[8] Compte-rendu n°63, commission des Finances, séance du mercredi 30 janvier 2013, p. 10.

[9] Périodiquement sujet à révision, la dernière datant du 23 novembre 2011.

[10] Pour éviter toute confusion, il est utile de préciser que, en dépit de leur appellation, les « marchés de gros du crédit » ne produisent pas stricto sensu du crédit, opération de création monétaire dont seules les institutions bancaires sont capables, mais offrent des financements obligataires.

[11] Tandis que la solvabilité est typiquement un indicateur de robustesse financière de long terme.

[12] Pour une exposition détaillée de cette proposition, voir « Et si on fermait la Bourse », Le Monde Diplomatique, février 2010.

[13] C’est-à-dire l’extraction de toutes les activités de marché, placées dans une nouvelle entité n’ayant aucun lien capitalistique avec la banque d’où elles ont été sorties.

[14] « Quatre principes et neuf propositions pour en finir avec les crises financières », 23 avril 2008.

[15] L’idée étant de pouvoir tuer une bulle au début de sa formation en portant les refinancements des banques de marché à des taux d’intérêt meurtriers sans nuire par ailleurs au prix du crédit à l’économie réelle.

 

Source: Les Blogs du Diplo


http://blog.mondediplo.net/2013-02-18-La-regulation-bancaire-au-pistolet-a-bouchon

 

 

 

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13 février 2013 3 13 /02 /février /2013 08:09

Thessalonique / Athènes, Grèce

13 février

 

Alternatives et stratégies contre la dette et les mesures d’austérité. arton8813-260bd.jpg

Rencontre du Réseau International pour un Audit Citoyen de la dette (ICAN).

Du 15 au 18 février Thessalonique / du 19 au 22 Athènes (Grèce)

 


Des activistes européens se réunissent en Grèce pour discuter du problème de la dette, coordonner les stratégies de résistance et proposer des alternatives.


Le Réseau International pour un Audit Citoyen de la dette (ICAN) tient sa troisième rencontre à Thessalonique du 15 au 18 février 2013, avec la participation de militants contre la dette et les mesures d’austérité, d’Espagne, Italie, Portugal, France, Belgique, Royaume-Uni et Grèce. ICAN rassemble, depuis avril 2012 et sous le slogan « Nous ne devons rien ! Nous ne paierons pas !", des mouvements et réseaux de différents pays européens et nord-africains luttant contre les mesures d’austérité et les problèmes de la dette au moyen d’audits citoyens de la dette.


La rencontre de Thessalonique est organisée par le mouvement local "Non à la dette, non à l’euro" en collaboration avec la Campagne pour l’audit de la dette grecque (ELE), avec la participation d’autres groupes locaux. La réunion, qui se tiendra à l’Université Aristote, aura des réunions internes au réseau ICAN pour la définition de stratégies de résistances communes en Europe, et des espaces publics de débat autour de questions telles que "Raisons pour annuler la dette", "Qui gagne avec la dette ? Privatisation, réformes du travail et sauvetages bancaires" ou "La dette et les inégalités", "Augmentation du fascisme et conséquences de genre".


Le but de cette réunion est d’approfondir la compréhension entre les participants au sujet de la situation des pays européens qui sont menacés par un endettement excessif, se concentrant sur la situation en Grèce, où des luttes sociales sans précédent en Europe font face à une répression aussi sans précédent. S’en suivra une série de rencontres avec les mouvements sociaux, les initiatives citoyennes et les militants qui, à la fois à Thessalonique et à Athènes, sont quotidiennement confrontés aux conséquences de la crise. Un groupe de 10 militants d’Espagne, Italie, Belgique et Royaume-Uni formera une délégation qui rencontrera des groupes de chômeurs, des initiatives d’occupation, des victimes de la violence policière et fasciste, des groupes de migrants, des défenseurs de la liberté de la presse, des syndicats et des travailleurs de l’éducation ou de la santé qui prennent des initiatives dans des quartiers particulièrement touchés par la crise.


Les délégués des différents pays partageront leurs expériences, les effets de la crise et du sauvetage des banques, et les progrès du processus d’audit citoyen de la dette. Ils recueilleront également des témoignages sur les impacts de la crise, la priorité du paiement de la dette et les politiques de la Troïka, les attaques contre la liberté de la presse ou l’augmentation du fascisme en Grèce, afin de diffuser les expériences dans leur propre pays.


Les événements et les réunions peuvent être suivis sur twitter @ICANetwork_ account (hashtag #ICANGreece) et www.citizen-audit.net blog. Pour de plus amples informations, des photos de la réunion et la délégation de militants, ou pour obtenir une interview, contacter :

Michalis Longos (Thessaloniki) nodebtnoeuro@gmail.com +30 69 46977196

Foula Farmakides (Athens) foulfa@gmail.com +30 6976787716

Iolanda Fresnillo (Barcelona) +34 678296979 ifresnillo@riseup.net @ifresnillo

Programme

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http://www.citizen-audit.net/

ican.audit@gmail.com

@ICANetwork_


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11 février 2013 1 11 /02 /février /2013 22:37

PAR AGNÈS ROUSSEAUX (11 FÉVRIER 2013)

 

C’était l’une des réformes les plus attendues du quinquennat : réguler le secteur financier en imposant de nouvelles règles aux banques françaises. Et notamment séparer leurs activités spéculatives des activités utiles à l’économie, aux entreprises et aux ménages. Objectif : prévenir une nouvelle crise financière. Sauf que le gouvernement Ayrault n’a pas osé heurter les intérêts privés des puissantes banques françaises. L’intérêt des citoyens et de la démocratie a, lui, été soldé. Explications.


 

Les banquiers peuvent dormir tranquilles. Ce n’est pas le gouvernement socialiste qui viendra mettre de l’ordre dans les dérives du capitalisme financier. C’est une retraite en rase campagne que s’apprêtent à sonner le Parlement et le gouvernement avec la réforme du secteur bancaire, discutée à l’Assemblée nationale à partir du 12 février. Auditionnés par la commission des Finances de l’Assemblée, les dirigeants du Crédit agricole, de la Société générale et de BNP Paribas admettent ne pas être « spécialement gênés par cette loi » (selon les mots de la rapporteure du projet de loi, la députée PS Karine Berger) ! Et ils n’ont même pas à faire semblant.


Face à la faiblesse du projet dévoilé en novembre par le ministre de l’Économie et des Finances, Pierre Moscovici, on nous promettait des amendements pour « muscler » la loi. Il y a bien eu quelques avancées la semaine dernière. Mais« les amendements acceptés resteront cosmétiques », admet un des porte-parole du groupe PS, Thierry Mandon, interrogé par Le Monde« Il n’y aura pas de psychodrame. (…) On n’a pas la volonté de charger la barque des banques ». Tout est dit sur l’ambition de la majorité. L’enjeu de la loi est pourtant de taille : il s’agit de « remettre la finance au service de l’économie », de« refondre notre paysage financier pour les 20 prochaines années », tout en protégeant les dépôts des épargnants et les contribuables. La réalité est nettement moins idyllique.

 

Pourquoi faut-il « séparer » les banques ?

Pourquoi une loi sur les banques ? La France compte quatre banques « systémiques » (sur 14 au niveau de l’Europe). Des banques dont la faillite peut mettre tout le système bancaire en péril : BNP Paribas, BPCE (Banque populaire - Caisse d’épargne), Crédit agricole et Société générale. Petit rappel : BNP Paribas, la première banque française, pèse autant que le PIB de la France ! Soit 2000 milliards de dollars. Ses actifs ont augmenté de 34 % entre 2007 et 2010. Et la banque continue tranquillement ses stratégies d’optimisation fiscale. Sur 334 de ses filiales, plus d’un tiers sont situées au Luxembourg, 24 aux Iles Caïmans... Un modèle d’entreprise éthique, donc. Qui, s’il s’effondrait, mettrait le pays par terre.

 

Pour reprendre le contrôle sur la finance, François Hollande avait fait une promesse [1] : les banques de dépôt et les banques d’affaires seraient séparées. D’un côté, les activités spéculatives, de l’autre, les activités utiles à l’économie. L’idée centrale : on ne spécule pas avec l’épargne des citoyens. Car le modèle français, c’est celui de la « banque mixte » - celui de la Société générale, de BNP Paribas ou du Crédit Agricole. Une seule entité juridique, pour deux types d’activités bancaires : d’un côté, les banques collectent les dépôts et octroient des prêts – et ont alors un rôle de création de monnaie. De l’autre, elles interviennent sur les marchés financiers, pour le compte de leurs clients ou pour elles-mêmes, en vue de réaliser des profits financiers.

 

Ces « banques mixtes » seraient plus solides, affirment leurs dirigeants, qui ne veulent pas entendre parler de séparation. Solides ? Ce serait oublier qu’en 2008 la Société générale a été renflouée par le contribuable américain, à hauteur de 11,9 milliards de dollars, lors du sauvetage de l’assureur AIG. Et BNP a reçu 4,9 milliards. La même année, l’État français a mis 360 milliards d’euros à disposition des banques, sous forme de garanties de prêts interbancaires, pour assainir la situation. Solides, vraiment, les banques françaises ? Selon le dernierrapport de l’Autorité de contrôle prudentiel (ACP), publié le 16 janvier, les tests confirment « la relative vulnérabilité que constitue la dépendance des banques françaises au refinancement interbancaire court-terme ». Sur sept banques soumises au stress test, l’une d’entre elles ferait faillite en une semaine en cas de crise, et une autre en 3 mois. A moins que la banque centrale européenne n’intervienne...

 

Comment le contribuable subventionne la spéculation

Le principal défaut des banque mixtes ? En cas de faillite, les dépôts des clients sont exposés. Et la garantie de l’État – pour les banques de dépôts – s’étend de fait au département « marché ». Un soutien implicite des pouvoirs publics à la spéculation, qui fait des contribuables les prêteurs en dernier ressort. En résumé : une banque mixte, ça fait plus de dégâts quand ça tombe. « Surtout, cette garantie permet aux banques mixtes de se financer elles-mêmes à plus bas coût sur les marchés financiers, car les investisseurs savent fort bien qu’en prêtant à telle banque, ils bénéficient de la garantie de l’État français », explique l’économiste Gaël Giraud, chercheur au CNRS. Résultat : des taux d’intérêts plus favorables pour les banques mixtes que pour les banques d’affaire « pures ». Soit l’équivalent d’une subvention annuelle de 48 milliards d’euros aux grandes banques françaises [2]. Un chiffre à comparer aux 18 milliards de profits réalisés en moyenne chaque année par les trois principales banques françaises, et aux 11 milliards d’impôts acquittés en 2010 par l’ensemble des banques françaises, précise Gaël Giraud.

 

Cette garantie, qui permet d’emprunter à faible coût, encourage le développement des activités de marché, et la totale déconnexion avec l’économie réelle [3]. Seuls « 22 % des actifs bancaires français sont consacrés aux crédits aux ménages et aux entreprises non-financières », rappelle l’ONG Finance Watch. Séparer les banques de dépôt et d’affaires vise « simplement à ne pas faire subventionner par la société la croissance des 78 %, dont seule une fraction est consacrée à l’économie réelle. »


La réforme s’attaque à… 1 % des activités bancaires !

D’où l’intérêt de séparer ces activités. Sauf que... il n’est pas question dans le projet de loi de « séparation » mais de « filialisation ». Chaque banque mixte doit simplement « cantonner » dans une filiale un certain nombre d’activités jugées spéculatives. « Les grands groupes bancaires français ont déjà filialisé la plupart de leurs métiers », souligne Gaël Giraud. C’est la filiale Cetelem qui gère les prêts à la consommation de PNB Paribas. « Exiger la filialisation revient donc à un statu quo ». Avec toujours autant de risques : « AIG, premier assureur du monde [4], a été mis en quasi-faillite à la fin de septembre 2008 par l’une de ses filiales, qui pesait 0,3 % du chiffre d’affaires d’AIG, une filiale parisienne qui était sous contrôle de la Banque de France », rappelle Gaël Giraud. A cause d’opérations à fort effet de levier, une petite filiale peut accumuler des dettes plusieurs milliers de fois supérieures à ses fonds propres. Un amendement adopté en Commission des finances stipule que les pertes d’une telle filiale (regroupant les activités spéculatives) ne seront pas couvertes par le groupe bancaire. Reste à voir comment cela se traduira concrètement.

 

Surtout, peu d’activités financières sont au final visées par la réforme. Elle concernera moins de 1 % des activités des banques ! C’est Frédéric Oudéa, PDG de la Société générale, qui a fini par lâcher ce chiffre, alors qu’il était auditionné par la Commission des Finances [5]. Consternation dans la salle. On se doutait que le volume des activités « filialisées » serait extrêmement faible. Mais pas à ce niveau ! « Aucune des activités de marché significatives des banques ne sera affectée par cette filialisation », avançait Finance Watch dans une analyse du projet en janvier. Ni la spéculation sur les produits dérivés, ni celles sur les matières premières agricoles.

 

Pire que le « secret défense » : les données détaillées des banques

Pourquoi les députés ont-ils découvert ce chiffre deux semaines seulement avant l’ouverture des débats ? Parce que les banques ont refusé toute évaluation des activités concernées, « compte tenu du très petit nombre de banques concernées et pour des raisons de confidentialité et de respect du secret des affaires ». Impossible, donc, de mesurer l’impact de la loi ! Un flagrant« déni de démocratie », estime Finance Watch. Cela signifie également que les actionnaires des banques n’ont pas accès à ces données, rappelle l’ONG. Les intérêts des dirigeants sont-ils supérieurs à ceux des citoyens, contribuables, actionnaires, clients et salariés confondus ?, questionne Finance Watch, pour qui cette absence d’étude d’impact semble inconstitutionnelle [6].

 

Quel est le critère utilisé pour évaluer si une activité doit être filialisée ? L’ « utilité ». Mais pour le gouvernement, une activité financière utile, ce n’est pas seulement un prêt pour aider une PME à démarrer, c’est une activité... réalisée avec un client. Donc la quasi-intégralité des opérations des banques, y compris les plus spéculatives et les plus déconnectées de l’économie réelle. Exemple ? La vente à un fonds spéculatif basé aux Iles Caïmans d’un « credit default swap » sur dette souveraine, ou l’achat d’un produit spéculatif sur les matières premières agricoles, sont considérés comme utiles au sens du projet de loi, car réalisés avec un client. Les députés s’échinent depuis quelques semaines à préciser les contours de la filialisation, qui restent pour le moment bien obscurs. Nul doute que les banques sauront inventer de multiples stratégies de contournement.


Les pleins pouvoirs à l’oligarchie financière

« Bercy ne prétend même plus que le projet de loi vise la séparation des banques de dépôt et d’affaires. Et les députés ne sont pas dupes », soutient Gaël Giraud. L’ambition se réduit à obliger les banques à se doter d’un testament en cas de faillite. On ne cherche plus à prévenir les risques, mais on essaye d’anticiper les obsèques d’un établissement bancaire en cas de grave difficulté financière. C’est ce qu’on appelle le régime de résolution bancaire. En cas de faillite, l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) gèrera le démantèlement ou le sauvetage. Et prendra la décision de mettre à contribution les Français ou de pénaliser actionnaires et créanciers. « Le projet de loi ne détaille pas le régime de résolution. Il se contente d’en indiquer l’esprit. C’est extrêmement léger », critique Gaël Giraud.

 

L’Autorité de contrôle prudentiel est aujourd’hui une administration adossée à la Banque de France chargée de « contribuer à la stabilité du secteur financier » et de « protéger la clientèle ». En cas de crise bancaire, le projet de loi fait reposer la décision sur deux personnes : « Le directeur général du Trésor et le gouverneur de la Banque de France, qui disposent de la majorité absolue pour décider si et comment la banque sera renflouée », détaille Gaël Giraud, qui pointe « un complet court-circuit démocratique » et « un véritable conflit d’intérêts ». Car c’est la Banque de France qui reste le principal créancier des banques privées, et n’aura aucune envie de décider leur démantèlement en cas de faillite ! Bref, les pleins pouvoirs sont donnés à l’oligarchie financière et le rôle du Parlement est évacué.

 

BNP Paribas, plus puissante que l’État français ?

Autre instance de contrôle, le Conseil de régulation financière (ex-Conseil de régulation financière et du risque systémique - Coréfris) se voit doter de nouveaux pouvoirs... mais toujours non contraignants. Dans son Conseil de huit membres, aux côtés du ministre, des présidents de l’ACPR et de l’Autorité des marchés financiers (AMF), on trouve trois « personnalités qualifiées ». Dont Jean-François Lepetit, membre du Conseil d’administration de BNP Paribas, et Jacques de Larosière, conseiller de BNP Paribas.

 

Le lobby bancaire est dans la place. « L’AMF et l’ACPR ont énormément de mal à faire valoir leur point de vue vis-à-vis des banques, c’est une guerre continuelle avec le lobby bancaire, raconte Gaël Giraud. C’est comme si on demandait à des gendarmes à bicyclettes de faire respecter le code de la route sur un circuit de Formule 1 ». Pourquoi Bercy s’est-il fait aussi facilement dicté son projet de loi par les banques ? « Quand vous êtes haut-fonctionnaire à Bercy, vous savez qu’à 45 ans, vous allez plafonner dans votre carrière. Si vous ne voulez pas moisir dans votre bureau, vous allez pantoufler dans une banque, avec un salaire multiplié par 10 ou 50 », avance le chercheur. Un haut fonctionnaire ne mord pas la main qui lui donnera à manger demain.

 

Paradis fiscaux : encore un effort !

Les députés ont cependant réussi à (presque) gagner de rares escarmouches. Comme sur les paradis fiscaux. Un amendement (PS/EELV), voté en Commission, stipule que les banques devront publier chaque année la liste de leurs filiales, avec effectifs et chiffres d’affaires. Une avancée intéressante. Mais pourquoi ne pas en profiter pour demander le montant des profits réalisés par chaque filiale ou celui des impôts payés ? Ce qui aurait permis de mettre en lumière les filiales qui réalisent des profits, avec peu de salariés et sans payer d’impôts. Bref, de lutter vraiment contre les paradis fiscaux.


François Hollande voulait aussi mettre un frein au Trading à haute fréquence (THF), ces opérations financières réalisées chaque microseconde par des robots informatiques. La loi les limite un peu [7], mais les interdictions ne s’appliquent pas aux « activités de tenue de marché ». Résultat : « 80 % à 90 % du trading haute fréquence ne sera pas concerné par l’interdiction »évalueChristophe Nijdam, analyste bancaire chez AlphaValue.

 

Pierre Moscovici, ministre des banques ?

« L’état actuel du projet de loi français ne résout aucun des problèmes qui motivent la nécessaire séparation des activités bancaires. Il cumule à vrai dire les faiblesses de tous les projets de loi déjà existants », conclut Gaël Giraud. Qui prône une réforme de type Glass Steagall Act (GSA), votée aux États-Unis en 1933, actant une réelle séparation des banques. Pour la rapporteur du projet de loi, Karine Berger (PS), séparer les banques serait revenir à la « préhistoire ». C’est oublier que les banques mixtes ont été autorisées en France par la loi bancaire de 1984. Les premières banques mixtes sont nées bien plus tard, avec la fusion du Crédit Agricole et du Crédit Lyonnais, et celle de BNP et Paribas en 2000. Une séparation authentique des banques équivaut simplement à revenir au paysage bancaire français de 1995.

 

Pierre Moscovici, ministre de l’Economie et des Finances, nous avait prévenus :« Mon rôle (…) n’est pas de déstabiliser le secteur dont j’ai la charge »affirmait-il devant l’AMF en novembre dernier. Le « ministre des banques » résume alors sans ambigüités l’ambition du gouvernement : « Cette reforme est faite dans l’intérêt même du secteur financier, dans l’intérêt de sa protection, dans l’intérêt de son image, dans l’intérêt également de cette réconciliation que je souhaite entre les banques et les Français. » Le monde de la finance n’est plus le« véritable adversaire » désigné par François Hollande avant son élection. Bien au contraire. « Cette loi bancaire, ambitieuse et rigoureuse » permettra aux acteurs financiers « de redoubler d’effort pour faire ce que vous savez admirablement faire, servir vos clients, tous vos clients et financer notre économie, à un moment crucial de son histoire », poursuit le ministre. Et de citer l’auteur latin Tite-Live : « Il faut oser ou se résigner à tout ». Le gouvernement a visiblement tranché.

 

Agnès Rousseaux

 

Photo : Jarra

Notes

[1« Maîtriser la finance commencera ici par le vote d’une loi sur les banques qui les obligera à séparer leurs activités de crédit de leurs opérations spéculatives. Aucune banque française ne pourra avoir de présence dans les paradis fiscaux. Les produits financiers toxiques, c’est-à-dire sans lien avec les nécessités de l’économie réelle seront purement et simplement interdits. Les stocks options seront supprimées. Et les bonus encadrés »Discours de François Hollande au Bourget, janvier 2012.

[2] 12 milliards d’euros pour le Crédit Agricole, 6 milliards d’euros pour BNP Paribas, 5 milliards d’euros pour la Société Générale, et 24 milliards d’euros pour Banque populaire-Caisse d’Epargne.

[3] Le volume total de produits dérivés a été multiplié par 7 en l’espace de douze ans. Il atteint aujourd’hui 700.000 milliards de dollars. Soit 12 fois le PIB mondial.

[4] Dont le sauvetage a couté plus de 130 milliards de dollars au contribuable américain

[5] Selon Frédéric Oudéa, les activités de banque de marché représentent 15 % à 20 % du Produit net bancaire (chiffre d’affaires) des banques, et « moins de 10 %, voire 5 % » de ces activités pourraient être isolées dans une filiale. Ce qui veut dire que seulement 0,75 % à 2 % de l’activité des banques sera impacté par le projet de loi.

[6« La loi organique n° 2009-403 du 15 avril 2009 relative à l’application des articles 34-1, 39 et 44 de la Constitution prévoit notamment dans son article 8 que l‘étude d’impact accompagnant une loi inclut « l’évaluation des conséquences économiques, financières, sociales et environnementales, ainsi que des coûts et bénéfices financiers attendus des dispositions envisagées pour chaque catégorie d’administrations publiques et de personnes physiques et morales intéressées, en indiquant la méthode de calcul retenue ». » Source : Rapport de Finance Watch

[7] Par l’interdiction d’annuler une opération moins d’une demi-seconde plus tard, et d’annuler plus de 80 % des ordres passés dans une même journée.


http://www.bastamag.net/article2934.html

 

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26 janvier 2013 6 26 /01 /janvier /2013 07:22

 

La réforme fiscale n’aura pas lieu. Essayer de comprendre le renoncement du gouvernement permet d’analyser les difficultés de la gauche à rendre l’impôt plus juste et plus efficace. Le point de vue de Louis Maurin, directeur de l’Observatoire des inégalités.





« Je veux engager une grande réforme fiscale. La contribution de chacun sera rendue plus équitable par une grande réforme permettant la fusion à terme de l’impôt sur le revenu et de la CSG ». L’une des principales promesses des 60 engagements de François Hollande faite lors de la campagne présidentielle a fait long feu. La réforme fiscale n’aura pas lieu. On en restera à un patchwork de prélèvements portant sur les très riches (comme la taxation à 75 % d’une poignée de contribuables, qui sera éventuellement mise en place en 2014), une taxation des revenus financiers, des revenus des entreprises et une hausse de la taxe sur la valeur ajoutée pour financer la baisse du coût du travail. Pour le budget 2013, l’augmentation totale des impôts est de 15,6 milliards, ce qui laissera, au minimum, un déficit de 61,6 milliards… [1].

En réalité, le renoncement est double. D’une part, la gauche de gouvernement abandonne une réforme de l’impôt qui aurait permis de le rendre plus juste et plus efficace, notamment en fusionnant l’impôt sur le revenu et la contribution sociale généralisée [2]. D’autre part, elle renonce à élever les impôts pour assurer l’équilibre des finances publiques et répondre aux besoins sociaux (éducation, santé, sécurité, etc.).

Comment ce qui constitue un « changement dans le changement » a-t-il été possible ? [3]. Au-delà des interrogations sur le contenu de la politique fiscale, rares sont les réflexions sur les causes de ces renoncements, qui constituent pourtant, sur le fond, une évolution historique pour la gauche en matière de politiques publiques. En analyser les raisons permet pourtant de mieux cerner la difficulté à redistribuer la richesse de façon plus juste en France, et donc de réduire les inégalités monétaires. C’est aussi une façon d’essayer d’aller à la source des raisons du décalage entre les politiques publiques et la réponse aux besoins sociaux d’une manière plus générale.

Des effets de la mondialisation aux transformations de la composition sociale (voir encadré) du personnel politique, de très nombreux facteurs sont en cause. Mais trois éléments semblent avoir joué un rôle prédominant : l’évolution idéologique des années 1980, le rôle des sondeurs dans la construction des politiques publiques et une interprétation particulière des mécanismes économiques.

1- Une évolution idéologique qui date des années 1980

Le renoncement de la gauche en matière fiscale tient à une évolution idéologique qui date de la veille de l’élection présidentielle de 1988 [4]. « La somme des impôts et des charges sociales (ce qu’on appelle les "prélèvements obligatoires ") atteint un tel niveau que l’envie - et le moyen - d’entreprendre disparaît » écrit alors François Mitterrand dans sa « Lettre à tous les Français » pour présenter sonprogramme de campagne. Il appelle à ne plus toucher à l’impôt sur le revenu : « Quant à l’impôt sur le revenu, mieux vaut, me semble-t-il, rester au point où nous en sommes. Ne brassons pas toujours la même eau ». A l’époque, le néo-libéralisme anglo-saxon domine la scène idéologique. Les ultra-conservateurs Margaret Thatcher et Ronald Reagan sont au pouvoir au Royaume-Uni et aux Etats-Unis, la gauche vient d’être battue en France aux législatives de 1986. On a à l’époque beaucoup débattu alors du "ni-ni" en matière d’actionnariat public (ni privatisations, ni nationalisations), en oubliant le « ni-ni » fiscal : ni hausse, ni baisse des impôts.

Sans l’afficher clairement, la gauche de gouvernement s’est convertie à la nécessaire réduction des prélèvements obligatoires : « une conception plus raisonnable des choses », selon François Mitterrand. Revenue au pouvoir en 1997, elle amorce en 2000 un important programme de réduction d’impôts. La croissance économique est forte, les recettes fiscales progressent, et une polémique est lancée sur la "cagnotte" budgétaire (c’est l’expression d’alors…). Plutôt que de réduire les déficits ou d’engager de nouvelles dépenses, Lionel Jospin utilise la « cagnotte » pour baisser les prélèvements. En 2001, le ministre des finances Laurent Fabius qualifie les défenseurs de l’impôt de "dépensolâtres". Ces éléments sont aux fondements du discours du parti socialiste au cours de l’été 2012 sur l’impérative nécessité de « préserver 90 % de la population des hausses d’impôts » et, partant, d’empêcher un véritable effort fiscal. Dans les faits, si « faire payer les riches » [5] est redevenu possible, il est devenu impensable pour la gauche de gouvernement d’envisager un effort fiscal largement partagé.

2- La place des sondeurs

Cette évolution constitue moins une conversion qu’une stratégie à visée électorale, fondée sur la mesure de l’opinion publique et l’utilisation totalement démesurée des sondages. Si « l’opinion » veut moins d’impôts, il faut les diminuer. En 1999, Laurent Fabius expliquait que le seul élément qui pouvait faire battre la gauche en 2002 était de ne pas réduire les impôts. Il faut gagner les élections, quoi qu’il en coûte en termes de valeurs. La gauche a baissé les impôts avec le succès que l’on sait.

Les sondages sont devenus un pilier du formatage des politiques publiques. Peu importe leur inefficacité évidente en matière de popularité : les partis y croient dur comme fer. On ne reviendra pas ici sur le débat autour de la mesure de l’opinion par sondages et leur très faible intérêt pour évaluer réellement les besoins [6]. Sans parler des difficultés techniques (réalisation, représentativité, etc..), il ne s’agit que de réponses éphémères, qui n’engagent à rien, sur des problématiques que le sondé ne maîtrise pas toujours, comprenant parfois des questions orientées… On laissera aux sondeurs l’argument simple qui clôt en général leurs analyses : celui qui rejette leur utilisation à outrance refuse d’écouter "le peuple"… Au fond, le problème est de comprendre le sens réel des questions posées, dans un contexte donné [7].

En matière d’impôts, qui peut - hormis ceux qui ont une foi inébranlable en l’Etat ou ceux qui ne paient pas beaucoup de taxes - répondre "non" quand on lui demande s’il souhaite payer moins ? Le « oui » ne mange pas de pain : c’est une réponse positive à « voulez-vous que votre pouvoir d’achat augmente ? ». Compréhensible dans une période de crise, d’autant que les questions posées, éludent les conséquences des baisses de recettes fiscales : il est rarement annoncé « en contrepartie de quoi la France sera davantage endettée, ou l’on réduira le nombre de policiers et d’enseignants »... Dans son étude annuelle sur la protection sociale rarement commentée, le ministère des Affaires sociales indique que 57 % des Français estiment que l’Etat n’intervient pas assez contre 17 % qui estiment qu’il intervient trop, proportion relativement stable depuis 10 ans... [8].

Les dés sont jetés : la baisse des taxes sera toujours enregistrée favorablement dans les bases de données des sondeurs. L’idée selon laquelle « l’opinion » serait par définition opposée aux augmentations et favorable aux baisses est légitimée par le sondage, devenu le nouveau socle idéologique de la politique. Tant pis si ces réponses n’ont que peu de valeur.

Dans un système politique devenu hyperprésidentialisé, les représentants du pouvoir législatif n’influent plus qu’à la marge sur les politiques menées par l’exécutif au niveau national. L’intérêt général est déterminé par ces sondages interprétés chaque jour par un petit groupe de conseillers de l’Elysée. Méconnus du grand public, ces derniers jouent un rôle essentiel pour définir l’agenda et le contenu des politiques publiques. D’où le caractère « peu démocratique et opaque des décisions publiques », que reconnaît le chef du gouvernement lui-même [9]. Ce changement majeur de notre démocratie, accentué à partir de 2002 avec la mise en place du quinquennat et du couplage de fait des élections législatives et présidentielles, est l’un des obstacles à la mise en œuvre de réformes structurelles qui ne rencontreraient pas les faveurs de l’opinion telle qu’elle est « mesurée » par les sondeurs.

3- Les arguments économiques

La doctrine officielle du gouvernement en matière d’impôt s’appuie surtout sur une interprétation des mécanismes économiques en jeu. L’idée qu’un effort fiscal national aurait un profond effet récessif est largement dominante, à droite bien sûr, mais à gauche aussi. La hausse des impôts entraîne une baisse des dépenses des ménages, donc de la consommation, donc de l’activité, donc de l’emploi… et finalement des revenus, donc des recettes fiscales. "Trop d’impôt tue l’impôt" dit l’adage fiscal. Une variante de ce raisonnement met en scène la fuite du contribuable : il ne réduit pas ses dépenses mais il décide d’être imposé dans un autre pays ce qui revient au même : les prélèvements entraînent l’évasion, donc de moindres recettes (« l’effet Depardieu », voir encadré).

La situation est plus complexe que cela. Personne ne croît aujourd’hui à une reprise miraculeuse de la croissance. Sauf à reporter sans fin sur les générations suivantes l’effort à faire, améliorer la situation des finances publiques est indispensable. Sinon, il faut emprunter encore, et les intérêts payés par l’Etat représenteront 47 milliards d’euros en 2013, autant que le budget de l’enseignement primaire et secondaire. La France est tellement engagée dans la mondialisation [10] qu’elle ne peut plus faire comme si elle ne remboursera pas ses emprunts. Si l’on est ni optimiste forcené en matière de croissance, ni partisan de reporter l’effort à faire, il ne reste que deux leviers : la hausse des recettes fiscales ou la baisse des dépenses publiques. Quand l’un des leviers n’est pas actionné, l’autre prend mécaniquement le relais. L’effet d’une hausse des prélèvements doit toujours être comparé avec l’équivalent en termes de baisse des dépenses et non pour lui-même.

Les dépenses publiques doivent répondre à des besoins collectifs, mais elles ont aussi un impact sur l’économie. Les salaires des enseignants ou des policiers permettent d’assurer des services, mais, en même temps, ils alimentent la consommation. De même, les remboursements de l’assurance maladie permettent aux médecins d’exister et à l’industrie du médicament de faire des profits. Les commandes publiques font vivre une grande partie de l’économie française, le secteur du bâtiment et celui de l’armement en savent quelque chose. Les 60 milliards de diminutions des dépenses prévues par le gouvernement au cours du quinquennat auront aussi un impact négatif sur l’activité. En même temps, la rationalité économique ne préjuge pas que l’augmentation des taxes entraîne mécaniquement une diminution des revenus : elle peut aussi conduire à un surcroît d’activité dans le but de maintenir son niveau de vie. Les Trente glorieuses ont eu lieu dans un contexte d’imposition sur le revenu très élevé, et les pays qui aujourd’hui ont la situation économique la plus favorable et le taux de pauvreté le plus faible sont aussi ceux qui imposent le plus....

L’impact de la fiscalité sur la consommation dépend enfin du comportement d’épargne du contribuable, difficile à prévoir. Les réductions d’impôts ont davantage alimenté le bas de laine des couches favorisées que la consommation [11] : entre 2005 et 2011, l’épargne des ménages s’est accrue de 50 milliards, plus de 800 euros par personne. Les hausses de prélèvements peuvent aussi avoir pour effet de réduire l’épargne, pour maintenir le niveau de la consommation.

Quel bilan ?

En terme d’inégalités, la politique actuelle est sans comparaison en matière de justice fiscale avec celle de la précédente majorité. Dès les premières semaines de 2007, un « paquet fiscal » de 15 milliards d’euros (réduction d’ISF, bouclier fiscal renforcé, exonération de charges des heures supplémentaires, etc.) de réduction d’impôts avait été décidé, au bénéfice pour l’essentiel des couches moyennes et aisées.

Mais aujourd’hui, c’est le contraste entre les promesses et les mesures prises qui est énorme. Paradoxe de l’histoire, la réalité économique rattrape le gouvernement qui s’est résolu à n’augmenter que partiellement les impôts, sans ligne politique claire, tout en affirmant à répétition que 90 % des contribuables seraient épargnés... [13]. Au lendemain de l’élection, un discours fort sur l’effort national partagé (justifiant la redistribution) aurait pu se substituer au "travailler plus pour gagner plus". A la place, il n’y a qu’un grand vide.

Les conséquences de la politique fiscale actuelle sont bien plus importantes qu’on ne le croit. Le gouvernement s’est privé de moyens budgétaires indispensables pour redresser les finances publiques et pour répondre aux besoins sociaux nouveaux, qu’il s’agisse de places de crèche ou d’aides aux personnes âgées dépendantes démunies, pour ne citer que deux exemples. Le meilleur symbole en est le lancement d’un plan contre la pauvreté sans moyens, qui accordera 10 euros par mois de plus aux titulaires du RSA en septembre prochain et 50 euros en cinq ans...

Ce renoncement repousse par ailleurs à une dizaine d’années minimum une réforme fiscale qui aurait permis de rendre le système plus juste, en réduisant les inégalités de niveaux de vie. Il aura enfin un impact sur la relation des jeunes à la politique. Une partie avait cru sincèrement aux discours et aux effets de l’alternance. Ces jeunes risquent d’être attirés par davantage de radicalité ou un rejet du politique.

 

Source: 

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[1] Pour plus de détails voir la synthèse du projet de loi de finances pour 2013http://www.economie.gouv.fr/files/p...

[2] Pour une proposition voir "Pour une révolution fiscale", Camille Landais, Thomas Piketty et Emmanuel Saez, Seuil-République des idées, 2011

[3] Certains commentateurs avaient anticipé et remarqué l’évolution du discours entre le début et la fin de la campagne présidentielle de François Hollande et l’abandon d’un projet d’envergure. Voir : « Fiscalité : Hollande invente la réforme Canada dry », Laurent Mauduit, Médiapart, 28 février 2012

[4] En 1983, le tournant de la rigueur s’accompagne d’une hausse des impôts

[5] Ancienne thématique de l’extrême gauche…

[6] Voir par exemple le travail de l’Observatoire des sondages

[7] On notera l’hypocrisie des sondeurs, souvent critiques eux-mêmes quant à l’utilisation des produits qu’ils vendent et des journalistes qui continuent à les utiliser…

[8]Suivi barométrique de l’opinion des Français sur la protection sociale, BVA-ministère des Affaires sociales, juin 2012, l’une des rares sources de sondages sur longue période digne d’intérêt avec l’enquête « Aspiration et conditions de vie des ménages » duCrédocet l’enquête européenne sur les valeurs(Arval)

[9] « Pour un nouveau modèle français », Le Monde, 3 janvier 2013

[10] La France est l’un des premiers exportateurs par habitant au monde…

[11] Un temps, la théorie selon laquelle la hausse des revenus des riches augmenterait la consommation a connu quelques succès éditoriaux…

[12] un exemple d’entreprise qui fonctionne sur la base de remboursements opérés par les mutuelles

[13] En pratique, il reconnaît donc au passage qu’il ne croit pas à l’effet récessif de l’augmentation des impôts...

Des partis coupés de leurs bases sociales
Au-delà de la question fiscale, l’une des explications du décalage entre les partis politiques et la population est le rétrécissement de leur base sociale. Ces derniers sont de plus en plus composés de militants issus de catégories favorisées par le diplôme ou le revenu, toujours plus nombreuses lorsque l’on s’élève dans la hiérarchie des fonctions. Les élus locaux, plus proches du terrain, sont sollicités par les plus démunis qui n’ont d’autre recours, mais ils restent eux-aussi souvent coupés des couches moyennes salariées du privé. Au sens moyen du terme, c’est-à-dire qui vivent avec 1 400 euros pour une personne seule ou 2 800 euros pour un couple sans enfant, et non au sens médiatique le plus commun. Ces couches favorisées (requalifiées de « moyennes supérieures » à l’occasion) sont préoccupées par la grande pauvreté et la grande richesse. Pour elles, la question de la redistribution se pose surtout vis-à-vis des franges très supérieures des revenus. « Taxer les riches » (sous entendu, les plus riches que nous..) a fait son chemin à gauche non sans une dose de démagogie. Redistribuer plus largement n’est pas central.
La chronique médiatique de la fuite à l’étranger ou l’"effet Depardieu"
Au-delà de quelques symboles, l’effet des départs de contribuables à l’étranger sur les recettes fiscales n’a jamais été démontré : on ne connaît pas les raisons de ces départs, et on ne comptabilise pas ceux qui rentrent en France. Pour l’heure, la France ne manque pas de talents et en dépit d’une fiscalité jugée "confiscatoire", notre pays est parmi ceux qui comptent le plus de millionnaires. La part des contribuables de l’ISF qui auraient quitté la France serait de l’ordre de 0,1 % et on ne sait s’il s’agit de raisons fiscales... Les comparaisons internationales des niveaux de prélèvements sont sans valeur car on ne paie pas pour les mêmes services. Les fonctions collectives ne sont pas les mêmes selon les pays : les contribuables partant pour l’exil mesurent devront payer davantage pour la santé, l’éducation de leurs enfants, leur retraite, etc. La mobilité internationale est pour l’essentiel le résultat de parcours professionnels. Les hauts cadres des entreprises mondialisées savent que pour évoluer ils doivent être mobiles.

Ces éléments sont connus. Ce qui est plus intéressant, c’est d’abord d’observer la couverture médiatique donnée à chaque départ, jusqu’à l’indigestion. Parfois, l’affaire ne manque pas de piquant, quand l’opticien Alain Afflelou [12] va jusqu’à comparer la situation actuelle avec celle de 1789, ou Laurence Parisot, la patronne du Medef, qui parle de « guerre civile »… C’est surtout d’observer comment ces exemples ultra-minoritaires et sans effets notoires sur l’activité économique sont transformés en généralité : « les riches s’en vont » et sont pris au sérieux.

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23 décembre 2012 7 23 /12 /décembre /2012 19:23

23 décembre par Eric Toussaint


Ne pas sous-estimer la capacité des gouvernants à mettre à profit une situation de crise


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De manière régulière, les grands médias abordent les questions d’un possible éclatement de la zone euro, de l’échec des politiques d’austérité en matière de relance économique, des tensions entre Berlin et Paris, entre Londres et les membres de la zone euro, des contradictions au sein du conseil de la BCE, des énormes difficultés pour trouver un accord sur le budget de l’UE, des crispations de certains gouvernements européens à l’égard du FMI à propos du dosage de l’austérité.


Tout cela est vrai, mais il ne faut surtout pas oublier un point fondamental : la capacité de gouvernants, qui se sont mis docilement au service des intérêts des grandes entreprises privées, de gérer une situation de crise, voire de chaos, pour agir dans le sens demandé par ces grandes entreprises. Le lien étroit entre les gouvernants et le grand Capital n’est même plus dissimulé. A la tête de plusieurs gouvernements, placés à des postes ministériels importants et à la présidence de la BCE, se trouvent des hommes directement issus du monde de la haute finance, à commencer par la banque d’affaires Goldman Sachs. Certains hommes politiques de premier plan sont récompensés par un poste dans une grande banque ou une autre grande entreprise une fois qu’ils ont accompli leurs bons offices pour le grand Capital. Ce n’est pas nouveau mais c’est plus évident et régulier qu’au cours de 50 dernières années. On peut parler de véritables vases communicants.


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Considérer que la politique des dirigeants européens est un échec parce que la croissance économique n’est pas de retour, c’est en partie se tromper de critère d’analyse. Les objectifs poursuivis par la direction de la BCE, par la Commission européenne, par les gouvernements des économies les plus fortes de l’UE, par les directions des banques et des autres grandes entreprises privées, ce n’est ni le retour rapide à la croissance, ni la réduction des asymétries au sein de la zone euro et de l’UE afin d’en faire un ensemble plus cohérent où serait de retour la prospérité.


Parmi leurs objectifs principaux, il faut en souligner deux :

1. éviter un nouveau krach financier et bancaire qui pourrait se révéler pire que celui de septembre 2008 (les deux premières parties de cette série ont abordé cet objectif qui sera à nouveau développé dans la quatrième partie) ;

2. utiliser plusieurs armes (l’augmentation très importante du chômage, le remboursement de la dette publique, la recherche de l’équilibre budgétaire, le fouet de la quête de l’amélioration de la compétitivité des Etats membres de l’UE les uns par rapport aux autres et par rapport aux concurrents commerciaux des autres continents) pour avancer dans la plus grande offensive menée depuis la seconde guerre mondiale à l’échelle européenne par le Capital contre le Travail.

Pour le Capital, il s’agit d’accroître encore la précarisation des travailleurs, de réduire radicalement leur capacité de mobilisation et de résistance, de réduire les salaires et différentes indemnités sociales de manière importante tout en maintenant les énormes disparités entre les travailleurs dans l’UE afin d’augmenter la compétition entre eux. D’abord, il y a les disparités entre les salariés d’un même pays : entre femmes et hommes, entre CDI et CDD, entre travailleurs à temps partiel et travailleurs à temps plein. A l’initiative du patronat et avec l’appui des gouvernements successifs (et en leur sein les partis socialistes européens ont joué un rôle actif), ces disparités se sont accrues au cours des 20 dernières années. Et puis, il y a les disparités entre les travailleurs des différents pays de l’UE. Les disparités entre travailleurs des pays du Centre et ceux des pays de la Périphérie à l’intérieur de l’UE sont le complément de celles se creusant à l’intérieur des frontières nationales.


Les profondes disparités entre les travailleurs des différents pays de l’UE


Les salaires des travailleurs du groupe de pays les plus forts (Allemagne, France, Pays-Bas, Finlande, Suède, Autriche, Danemark) sont le double ou le triple des salaires des travailleurs en Grèce, au Portugal ou en Slovénie, ils sont 10 fois plus élevés que les salaires des travailleurs de Bulgarie, 7 à 9 fois plus que les salaires roumains, lituaniens ou lettons |1|.


En Amérique du Sud, alors que les différences sont grandes entre les économies les plus fortes (Brésil, Argentine, Venezuela) et les plus faibles (Paraguay, Bolivie, Equateur…), la différence entre le salaire minimum légal est de l’ordre de 1 à 4, donc une disparité nettement plus faible qu’au sein de l’Union Européenne. C’est dire à quel point est forte la concurrence entre les travailleurs d’Europe.


Les grandes entreprises des pays européens les plus forts sur le plan économique profitent à fond des disparités salariales au sein de l’UE. Les entreprises allemandes ont choisi d’accroître fortement leur production réalisée dans les pays de l’UE où les salaires sont les plus bas. Les biens intermédiaires sont ensuite rapatriés en Allemagne sans payer de taxe d’import/export, pour y être assemblés puis réexportés principalement vers les autres pays d’Europe. Cela permet de diminuer les coûts de production, de mettre en concurrence les travailleurs allemands avec ceux des autres pays et d’augmenter la rentabilité de ces entreprises. De plus, ces biens assemblés en Allemagne et vendus sur les marchés extérieurs apparaissent bien sûr dans les exportations allemandes, dont une partie importante est en réalité le résultat de l’assemblage de produits importés. Les entreprises des autres pays forts de l’UE font certes de même, mais l’économie allemande est celle qui bénéficie proportionnellement le plus des bas salaires et de la précarisation du travail au sein de la zone euro (y compris à l’intérieur des frontières de l’Allemagne |2|) et de l’UE. En 2007, les excédents commerciaux de l’Allemagne étaient redevables à 83% de ses échanges avec les autres pays de l’UE (145 milliards d’euros vis-à-vis des autres pays de la zone euro, 79 milliards vis-à-vis de l’Europe hors zone euro, et 45 milliards avec le reste du monde) |3| .


Le modèle allemand comme produit de l’offensive néolibérale


Les patrons allemands, aidés par le gouvernement socialiste de Gerhard Schröder en 2003-2005, ont réussi à imposer des sacrifices aux travailleurs. L’étude En finir avec la compétitivité publiée conjointement par ATTAC et la Fondation Copernic résume ainsi les grandes étapes des atteintes aux conquêtes des travailleurs d’Allemagne et à leurs droits sociaux et économiques : « Les lois Hartz (du nom de l’ex-Directeur des Ressources Humaines de Volkswagen et conseiller de Gerhard Schröder) se sont échelonnées entre 2003 et 2005. Hartz I oblige les chômeurs à accepter l’emploi qui leur est proposé, même pour un salaire inférieur à leur indemnité chômage. Hartz II institue des mini-jobs à moins de 400 euros mensuels (exemptés de cotisations sociales salariées). Hartz III limite à un an le versement des allocations chômage pour les travailleurs âgés et en durcit les conditions d’attribution. Hartz IV fusionne l’allocation chômage de longue durée et les aides sociales, et les plafonne à 345 euros par mois. Aux lois Hartz s’ajoutent les réformes successives des retraites et du système d’assurance-maladie : retraite par capitalisation (retraites Riester) ; hausse des cotisations, report de l’âge légal de départ à la retraite (objectif 67 ans en 2017). »

Les auteurs de cette étude soulignent : « L’ensemble de ces réformes a conduit à une impressionnante montée des inégalités sociales. C’est un aspect souvent oublié du ‘modèle allemand’ et cela vaut donc la peine de donner quelques chiffres détaillés. L’Allemagne est devenue un pays très inégalitaire : un avant-projet de rapport parlementaire sur la pauvreté et la richesse |4| vient d’établir que la moitié la plus pauvre de la société possède seulement 1% des actifs, contre 53 % pour les plus riches. Entre 2003 et 2010, le pouvoir d’achat du salaire médian a baissé de 5,6 %. Mais cette baisse a été très inégalement répartie : - 12 % pour les 40 % de salariés les moins bien payés, - 4 % pour les 40 % de salariés les mieux payés |5|. Les données officielles montrent que la proportion de bas salaires est passée de 18,7 % en 2006 à 21 % en 2010 et cette progression des bas salaires – c’est à souligner – se fait pour l’essentiel en Allemagne de l’Ouest. »


Selon la même étude, en 2008, le nombre de salariés a augmenté de 1,2 million par rapport à 1999, mais cette progression correspond à une augmentation de 1,9 million du nombre d’emplois précaires, et donc à une perte d’un demi-million d’emplois CDI à plein temps. Un quart des salarié(e)s occupent aujourd’hui un emploi précaire, et cette proportion (la même désormais qu’aux États-Unis) monte à 40 % chez les femmes. « Les emplois salariés précaires sont majoritairement (à 70 %) destinés aux femmes |6|. La proportion de chômeurs indemnisés a chuté de 80 % en 1995 à 35 % en 2008 et toutes les personnes au chômage depuis plus d’un an ont basculé vers l’aide sociale ».


Comme le note Arnaud Lechevalier, cette évolution s’inscrit « dans un contexte plus général d’érosion de la protection des salariés par les conventions collectives : la part des salariés couverts a baissé de 76 % à 62 % en dix ans et ces conventions ne concernaient plus que 40 % des entreprises allemandes en 2008. De plus, les syndicats ont dû concéder de multiples dérogations aux conventions collectives de branche au niveau des entreprises » |7|

.

Les arrière-pensées des dirigeants et des patrons européens


Quand on tente d’expliquer l’attitude actuelle des dirigeants allemands face à la crise de l’Eurozone, on peut émettre l’hypothèse qu’une des leçons qu’ils ont tirées de l’absorption de l’Allemagne de l’Est au début des années 1990, c’est que les disparités très fortes entre travailleurs peuvent être exploitées pour imposer une politique pro-patronale très forte. Les privatisations massives en Allemagne de l’Est, les atteintes à la sécurité de l’emploi des travailleurs de l’ex-RDA combinée à l’augmentation de la dette publique allemande due au financement de cette absorption (qui a servi de prétexte pour imposer les politiques d’austérité) ont permis d’imposer des reculs très importants aux travailleurs d’Allemagne, qu’ils soient de l’Est ou de l’Ouest. Les dirigeants allemands actuels se disent que la crise de la zone euro et les attaques brutales imposées au peuple grec et à d’autres peuples de la Périphérie sont l’occasion d’aller encore plus loin et de reproduire d’une certaine manière à l’échelle européenne ce qu’ils ont fait en Allemagne. Quant aux autres dirigeants européens des pays les plus forts et aux patrons des grandes entreprises, ils ne sont pas en reste, ils se félicitent de l’existence d’une zone économique, commerciale et politique commune où les transnationales européennes et les économies du Nord de la zone euro tirent profit de la débâcle du Sud pour renforcer la profitabilité des entreprises et marquer des points en terme de compétitivité par rapport à leur concurrents nord-américains et chinois. Leur objectif, au stade actuel de la crise, n’est pas de relancer la croissance et de réduire les asymétries entre les économies fortes et les faibles de l’UE. Ils considèrent en outre que la débâcle du Sud va se traduire par des opportunités de privatisations massives d’entreprises et de biens publics à des prix bradés. L’intervention de la Troïka et la complicité active des gouvernements de la Périphérie les y aident. Le grand Capital des pays de la Périphérie est favorable à ces politiques car il compte bien lui-même obtenir une part d’un gâteau qu’il convoitait depuis des années. Les privatisations en Grèce et au Portugal préfigurent ce qui va arriver en Espagne et en Italie où les biens publics à acquérir sont beaucoup plus importants vu la taille de ces deux économies.


La volonté de faire baisser les salaires


Revenons à la question des salaires. Selon Michel Husson, en Allemagne, le coût salarial unitaire réel a baissé de près de 10 % entre 2004 et 2008 |8|


 Dans le reste de l’Europe, pendant la même période, il a également baissé mais dans une proportion bien moindre qu’en Allemagne. C’est à partir de la crise de 2008-2009, qui affecte durement l’Eurozone, que l’on constate une chute très nette des salaires réels des pays les plus touchés. C’est ce que souligne Patrick Artus : « On constate dans les pays en difficulté de la zone euro (Espagne, Italie, Grèce, Portugal) une forte baisse des salaires réels » |9|. Patrick Artus déclare que la baisse des salaires correspond à une politique délibérée des dirigeants européens et il ajoute que, de toute évidence, cette politique n’a ni permis de relancer l’investissement dans les pays mentionnés, ni de rendre plus compétitive les exportations des mêmes pays. Patrick Artus écrit que les effets favorables : « des baisses de salaires sur la compétitivité donc le commerce extérieur ou sur l’investissement des entreprises ne sont pas présents ». Il ajoute que la baisse de salaire a deux effets clairs : d’une part, elle a augmenté la profitabilité des entreprises (donc, en termes marxistes, une augmentation du taux de profit par une augmentation de la plus-value absolue, voir encadré « L’ABC sur la plus-value absolue et relative ainsi que sur le salaire ») ; d’autre part, elle a diminué la demande des ménages, ce qui a renforcé la contraction de l’économie |10|. Cette étude réalisée par Natixis vient confirmer que le but des dirigeants européens n’est ni de relancer l’activité économique, ni d’améliorer la position économique des pays de la Périphérie par rapport à ceux du Centre. La baisse des salaires vise à réduire la capacité de résistance des travailleurs des pays concernés, augmenter le taux de profit du Capital et pousser plus loin le démantèlement de ce qui reste du welfare state construit au cours des 35 années qui ont suivi la seconde guerre mondiale (période qui a été suivie par le tournant néolibéral de la fin des années 1970-début des années 1980).


Dans le Rapport mondial sur les salaires 2012-2013 publié par l’Organisation internationale du travail en décembre 2012, les auteurs relèvent que dans les pays développés entre 2008 et 2012, « 1es salaires ont enregistré un double creux » (càd en 2008 et en 2011) |11| . C’est la seule région du monde avec le Moyen Orient où les salaires ont baissé depuis 2008. En Chine, dans le reste de l’Asie, en Amérique latine, les salaires ont augmenté. En Europe orientale, ils ont connu une certaine récupération après l’effondrement des années 1990. Ce rapport permet de confirmer que l’épicentre de l’offensive du Capital contre le Travail s’est déplacé vers les pays les plus développés.


L’ABC sur la plus-value absolue et relative ainsi que sur le salaire |12|


Lorsque l’ouvrier (ou l’ouvrière) commence à travailler à l’usine au début de sa journée, il incorpore une valeur aux matières premières (ou aux biens intermédiaires qu’ils assemblent). Au bout d’un certain nombre d’heures, il ou elle a reproduit une valeur qui est exactement l’équivalent de on salaire quotidien ou hebdomadaire. Si il ou si elle s’arrêtait de travailler à ce moment précis, le capitaliste n’obtiendrait pas un sou de plus-value mais dans ces conditions-là, le capitaliste n’aurait aucun intérêt d’acheter cette force de travail. Comme l’usurier ou le marchand du Moyen-âge, il « achète pour vendre ». Il achète la force de travail pour obtenir d’elle un produit plus élevé que ce qu’il a dépensé pour l’acheter. Ce « supplément », ce « rabiot », c’est précisément sa plus value, son profit. Il est donc entendu que, si l’ouvrier ou l’ouvrière produit l’équivalent de son salaire en 4 heures de travail, il ou elle travaillera non pas 4 mais 6, 7, 8 ou 9 heures. Pendant ces 2, 3, 4 ou 5 heures « supplémentaires », il ou elle produit de la plus-value pour le capitaliste en échange de laquelle il ou elle ne touche rien. L’origine de la plus-value, c’est donc du surtravail, du travail gratuit, approprié par le capitaliste. « Mais c’est du vol », va-t-on s’écrier. La réponse doit être : « oui et non ». Oui du point de vue de l’ouvrier ou de l’ouvrière ; non, du point du capitaliste et des lois du marché. Le capitaliste n’a en effet pas acheté sur le marché « la valeur produite ou à produire par l’ouvrier ou par l’ouvrière ». Il n’a pas acheté son travail, càd le travail que l’ouvrier ou l’ouvrière va effectuer (s’il avait fait cela, il aurait commis un vol pur et simple ; il aurait payé 25€ pour ce qui vaut 50€). Il a acheté la force de travail de l’ouvrier ou de l’ouvrière. Cette force de travail a une valeur propre comme toute marchandise à sa valeur. La valeur de la force de travail est déterminée par la quantité de travail nécessaire pour la reproduire, càd par la subsistance (ou sens large du terme) de l’ouvrier, de l’ouvrière et de leur famille. La plus-value prend son origine dans le fait qu’un écart apparaît entre la valeur produite par l’ouvrier/ière et la valeur des marchandises nécessaires pour assurer sa subsistance.

La valeur de la force de travail a une caractéristique particulière par rapport à celle de toute autre marchandise : elle comporte, outre un élément strictement mesurable, un élément variable. L’élément stable, c’est la valeur des marchandises qui doivent reconstituer la force de travail du point de vue physiologique (qui doivent permettre à l’ouvrier ou à l’ouvrière de récupérer des calories, des vitamines, une capacité de dégager une énergie musculaire et nerveuse déterminée, sans laquelle il serait incapable de travailler au rythme normal prévu par l’organisation capitaliste de travail à un moment donné). L’élément variable, c’est la valeur des marchandises, à une époque et dans un pays déterminé, qui ne font pas partie du minimum vital physiologique. Marx appelle cette part de la valeur de la force de travail, sa fraction historico-morale. Cela veut dire qu’elle n’est pas fortuite. Elle est le résultat d’une évolution historique et d’une situation donnée des rapports de force entre le Capital et le Travail. A ce point précis de l’analyse économique marxiste, la lutte des classes, son passé et son présent, devient un facteur co-déterminant de l’économie capitaliste.

Le salaire est le prix de marché de la force de travail. Comme tous les prix de marché, il fluctue autour de la valeur de la marchandise examinée. Les fluctuations du salaire sont déterminées notamment par les fluctuations de l’armée de réserve industrielle, càd du chômage.

Pour obtenir le maximum de profit et développer le plus possible l’accumulation du capital, les capitalistes réduisent au maximum la part de la valeur nouvelle, produit par la force de travail, qui revient aux travailleurs et travailleuses sous forme de salaires. Les deux moyens essentiels par lesquelles les capitalistes s’efforcent d’accroître leur part, càd la plus-value, sont :

 La prolongation de la journée de travail, la réduction des salaires réels et l’abaissement du minimum vital. C’est ce que Marx appelle l’accroissement de la plus-value absolue.

 L’augmentation de l’intensité et de la productivité du travail sans augmentation proportionnelle du salaire. C’est l’accroissement de la plus-value relative.

 

Mise en perspective de l’offensive du Capital contre le Travail


Ce que vivent les salariés et les allocataires sociaux de Grèce, du Portugal, d’Irlande et d’Espagne aujourd’hui a été imposé aux travailleurs des pays en développement à la faveur de la crise de la dette des années 1980-1990. Au cours des années 1980, l’offensive a également visé les travailleurs en Amérique du Nord à partir de la présidence de Ronald Reagan, en Grande-Bretagne sous la férule de Margaret Thatcher, la Dame de fer, et chez ses émules sur le vieux continent. Les travailleurs de l’ex-bloc de l’Est ont également été soumis au cours des années 1990 aux politiques brutales imposées par leurs gouvernements et le FMI. Selon le rapport Rapport mondial sur les salaires 2012-2013 publié par l’OIT (mentionné plus haut) : « En Russie, par exemple, la valeur réelle des salaires s’est effondrée dans les années 1990 à moins de 40% de la valeur qu’ils avaient et il a fallu une autre décennie pour qu’ils retrouvent leur niveau initial » |13|


 Ensuite, d’une manière certes nettement moins brutale que celle qui a affecté les peuples du tiers-monde (des pays les plus pauvres jusqu’aux économies dites émergentes), l’offensive a pris pour cible les travailleurs d’Allemagne à partir de 2003-2005. Les effets néfastes pour une partie significative de la population allemande se font sentir encore aujourd’hui même si les succès des exportations allemandes |14| limitent le nombre de chômeurs et qu’une partie de la classe ouvrière n’en ressent pas directement les conséquences. L’offensive qui s’est accélérée depuis 2007-2008 a donc démarré au niveau mondial au début des années 1980 |15|. L’OIT centre son analyse sur une période plus courte (1999-2011) et les données sont claires : « Entre 1999 et 2011, l’augmentation de la productivité du travail moyenne dans les économies développées a été plus de deux fois supérieure à celle des salaires moyens. Aux Etats-Unis, la productivité du travail réelle horaire a augmenté de 85% depuis 1980, tandis que la rémunération horaire réelle n’a augmenté que de 35%. En Allemagne, la productivité du travail a augmenté de presque un quart sur les deux décennies écoulées tandis que les salaires mensuels réels n’ont pas bougé » |16|. C’est ce que Karl Marx appelait l’augmentation de la plus-value relative (voir encadré).


Et plus loin : « La tendance mondiale a entraîné un changement dans la distribution du revenu national, la part des travailleurs baissant tandis que les parts du capital dans le revenu augmentent dans une majorité de pays. Même en Chine, pays où les salaires ont approximativement triplé durant la décennie écoulée, le PIB a augmenté plus rapidement que la masse salariale totale – et la part du travail a donc baissé. » |17| Cette tendance lourde au niveau mondial est la manifestation de l’augmentation de la plus-value extraite du Travail par le Capital. Il est important de noter que pendant une bonne partie du 19e siècle la forme principale d’augmentation de la plus-value est passée par l’accroissement de la plus-value absolue (baisse des salaires, augmentation des heures de travail). Progressivement, dans les économies les plus fortes, au cours de la deuxième moitié du 19e s. et tout au long du 20e s. (sauf pendant le nazisme, le fascisme et sous d’autres régimes dictatoriaux qui ont imposé des baisses de salaires), elle a été remplacée ou dépassée par l’augmentation de la plus-value relative (augmentation de la productivité du travail sans que les salaires suivent dans la même proportion). Après plusieurs décennies d’offensive néolibérale, l’accroissement de la plus-value absolue redevient une forme importante d’extraction de la plus-value et s’ajoute à la plus-value relative. Alors que pendant des décennies, les patrons ont essentiellement augmenté la plus-value relative, principalement grâce aux gains de productivité du travail, depuis 2009-2010, ils parviennent à augmenter la plus-value absolue : en baissant les salaires réels et dans certains cas en augmentant le temps de travail. Ils utilisent la crise pour combiner l’augmentation de la plus-value relative à l’augmentation de la plus-value absolue. Cela donne une indication de l’ampleur de l’offensive en cours.


Toujours davantage de travailleurs dans le collimateur


Dans un document de la Commission européenne intitulé « Le deuxième programme économique d’ajustement pour la Grèce » et datant de mars 2012 |18|, il est clairement mis en évidence qu’il faut poursuivre la réduction des salaires. Le tableau 17 de la page 41 montre que le salaire minimum légal en Grèce est le quintuple du salaire minimum moyen en Roumanie et en Bulgarie (pays voisins de la Grèce), le triple de la Hongrie et des républiques baltes, plus du double du salaire minimum en Pologne et en République tchèque ; il est supérieur au salaire minimum en Espagne et au Portugal. L’objectif est de rapprocher la Grèce des pays où les salaires sont les plus « compétitifs », donc les plus bas. Evidemment, si les salaires poursuivent leur chute radicale en Grèce comme le veut la Troïka et le patronat, il faudra que les salaires en Espagne, au Portugal, en Irlande et aussi dans les pays les plus forts suivent la même tendance, et ce de manière accélérée.


Ceux qui sont aux commandes en Europe servent une logique grâce à laquelle les patrons européens parviennent à augmenter la quantité de plus-value qu’ils extraient du travail des salariés d’Europe et cherchent à marquer des points dans la bataille commerciale avec les concurrents asiatiques ou nord-américains.


Ces dirigeants sont prêts à pousser dans leur dernier retranchement les syndicats européens en réduisant fortement la marge de négociation dont ils ont disposé pendant des décennies.


Le Capital marque des points supplémentaires contre le Travail


Dans plusieurs pays de l’UE, au cours de leur offensive contre les conquêtes sociales, les gouvernants et la Commission européenne ont réussi à réduire radicalement la portée des conventions collectives interprofessionnelles. C’est le cas des pays de l’ex-bloc de l’Est, c’est aussi le cas de la Grèce, du Portugal, de l’Espagne, de l’Italie, de l’Irlande… Dans plusieurs pays, ils ont également réussi à faire baisser le salaire minimum légal et le montant des retraites. Ils ont réussi à réduire radicalement la protection contre les licenciements et à augmenter l’âge de départ à la retraite.


L’aggravation de la crise des pays de la périphérie de la zone euro


Au cours de 2012, la crise s’est aggravée en Grèce, en Irlande, au Portugal, en Espagne, en conséquence des politiques d’austérité brutale appliquées par des gouvernants complices des exigences de la Troïka. En Grèce, la chute cumulée du PIB depuis le début de la crise atteint 20%. Le pouvoir d’achat d’une grande majorité de la population a baissé de 30 à 50%. Le chômage et la pauvreté ont littéralement explosé. Alors qu’en mars 2012, tous les grands médias ont relayé le discours officiel qui affirmait que la dette avait été réduite de moitié |19|, selon les estimations officielles rendues publiques fin octobre 2012, la dette publique grecque qui représentait 162% du PIB à la veille de la réduction de dette de mars 2012 atteindra 189% du PIB en 2013 et 192% en 2014 |20|


.Cette information ne fait pas partie des titres de la grande presse de masse. Au Portugal, les mesures d’austérité sont d’une telle violence et la dégradation économique est si grave qu’un million de Portugais ont manifesté spontanément le 15 septembre 2012, chiffre qui n’avait été atteint que le 1er mai 1974 pour fêter la victoire de la Révolution des œillets. En Irlande, dont les médias parlent beaucoup moins, le chômage a pris des proportions énormes, conduisant 182.900 jeunes âgés de 15 à 29 ans à quitter le pays depuis que la crise a éclaté en 2008 |21|. Un tiers des jeunes qui avaient un emploi avant la crise s’est retrouvé au chômage. Le sauvetage des banques a représenté jusqu’ici plus de 40 % du PIB (près de 70 milliards d’euros sur un PIB de 156 milliards en 2011) |22|


Le recul de l’activité économique a atteint 20% depuis 2008. Le gouvernement de Dublin a réaffirmé qu’il supprimerait 37 500 postes de travail dans le secteur public d’ici 2015. En Espagne, le taux de chômage atteint 50% chez les jeunes. Depuis le début de la crise, 350.000 familles ont été expulsées de leur logement à cause des impayés de dette hypothécaire |23|


 En un an, le nombre de familles dont tous les membres sont sans emploi a augmenté de 300 000 pour atteindre un total de 1,7 million, soit 10% de toutes les familles d’Espagne |24|. La situation se dégrade de manière continue dans les pays de l’ancien bloc de l’Est membres de l’UE, à commencer par ceux qui ont adhéré à l’Eurozone.


En somme, partout dans le monde, le Capital s’est lancé dans une offensive contre le Travail. C’est en Europe que, depuis 2008, l’offensive prend la forme la plus systématique en commençant par les pays de la Périphérie. Alors que les banques (et le capitalisme en tant que système) sont les responsables de la crise, elles sont systématiquement protégées. Partout, le remboursement de la dette publique est le prétexte invoqué par les gouvernants pour justifier une politique qui s’en prend aux droits économiques et sociaux de l’écrasante majorité de la population. Si les mouvements sociaux et, parmi eux, les syndicats veulent victorieusement affronter cette offensive dévastatrice, il faut prendre à bras le corps la question de la dette publique afin d’enlever au pouvoir son argument principal. L’annulation de la partie illégitime de la dette publique et l’expropriation des banques pour les intégrer à un service public de l’épargne et du crédit sont des mesures essentielles dans un programme alternatif à la gestion capitaliste de la crise.


Le_capitalisme_ne_recule_A4c.jpg

 

Notes

|1| Voir Le Monde des 22 et 23 janvier 2012 sur la base d’Eurostat.

|2| En Allemagne, en septembre 2010, selon Le Monde du 17 mai 2011, 7,3 millions de travailleurs gagnaient à peine 400 euros par mois. Dans ce pays, le nombre de travailleurs à temps partiel a augmenté de 46% entre 2000 et 2010 tandis qu’en France il augmentait de 17%.

|3| OCDE, International Trade by Commodity Statistics (SITC Revision 3) mentionné dans ATTAC et Fondation Copernic, En finir avec la compétitivité, Paris, octobre 2012,http://www.france.attac.org/article...

|4| Lebenslagen in Deutschland. Entwurf des vierten Armuts- und Reichstumsberichts der Bundesregierung, projet du 17 septembre 2012, http://gesd.free.fr/arb912.pdf

|5| Karl Brenke et Markus M. Grabka, « Schwache Lohnentwicklung im letzten Jahrzehnt », DIW Wochenbericht, n° 45, 2011, http://gesd.free.fr/brenke11.pdf

|6| Source : destatis.de (Office fédéral allemand de statistique).

|7| Arnaud Lechevalier, « Un modèle qui ne fait guère envie », Alternatives économiques, n° 300, mars 2011, http://gesd.free.fr/allmodel.pdf cité par ATTAC et Fondation Copernic

|8| Voir Michel Husson, Economie politique du « système-euro », juin 2012,http://cadtm.org/Economie-politique... ou http://hussonet.free.fr/eceurow.pdf

|9| Patrick Artus, « La baisse des salaires dans les pays en difficulté de la zone euro est-elle utile ? », Flash Economie n°289, 18 avril 2012.

|10| Patrick Artus : « il ne reste que les effets sur la demande des ménages, d’où une forte contraction de l’activité dont le seul effet positif est de réduire le déficit extérieur » (puisque les importations diminuent). Par ailleurs Patrick Artus montre avec des graphiques à l’appui que la profitabilité des entreprises a augmenté dans les 4 pays étudiés

|11| OIT, Rapport mondial sur les salaires 2012-2013, Genève, décembre 2012,http://www.ilo.org/wcmsp5/groups/pu...

|12| Le contenu de cet encadré consiste en une utilisation libre et arrangée d’extraits de Ernest Mandel, Introduction au marxisme, Edition Formation Léon Lesoil, Bruxelles, 2007, p. 59, p. 68, p. 66 et 67.

|13| OIT, Rapport mondial sur les salaires 2012-2013, Genève, décembre 2012

|14| L’Allemagne a connu une croissance économique portée par ses exportations alors que la plupart de ses partenaires de l’UE et, en particulier, de la zone euro ressentent durement la crise. Vu que dans toute l’UE, on assiste à la baisse de la demande des ménages décrite plus haut, à laquelle s’ajoute une réduction de la demande publique, les débouchés pour les exportations allemandes se réduisent nettement. L’effet boomerang sur l’économie allemande est déjà en cours.

|15| Voir Eric Toussaint, « Au Sud comme au Nord, de la grande transformation des années 1980 à la crise actuelle », septembre 2009.

|16| OIT, Rapport mondial sur les salaires 2012-2013, Résumé analytique, Genève, décembre 2012, p. VI-VII

|17| OIT, Rapport mondial sur les salaires 2012-2013, Résumé analytique, Genève, décembre 2012, p. VII. Le même rapport souligne également l’augmentation de l’écart entre les salaires les plus élevés et les salaires les plus bas dans chaque pays.

|18| Voir European Commission, Directorate General Economic and Financial Affairs, “The Second Economic Adjustment Programme for Greece”, Mars 2012, http://ec.europa.eu/economy_finance...

|19| Le CADTM a dénoncé dès le départ l’entreprise de propagande de la Troïka et du gouvernement grec. Voir « Le CADTM dénonce la campagne de désinformation sur la dette grecque et le plan de sauvetage des créanciers privés », publié le 10 mars 2012. Voir également Christina Laskaridis, « La Grèce a déjà fait défaut aux conditions des créanciers ; leur crainte est de voir celle-ci imposer ses propres conditions », publié le 31 mai 2012.

|20| Financial Times, 1er novembre 2012, première page.

|21| Financial Times, 1 octobre 2012.

|22| Financial Times, 29 décembre 2011, p. 2.

|23| Miles Johnson, « Suicides spark call for Madrid to halt evictions by banks », Financial Times, 13 novembre 2012, p. 2.

|24| Tobias Buck, « Spain’s deepening lack of hope takes its toll », Financial Times, 6 novembre 2012, p. 4.

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13 décembre 2012 4 13 /12 /décembre /2012 09:32

CAHUZAC - Auteur de l'enquête à tiroirs accusant le ministre du Budget Jérôme Cahuzac d'avoir possédé un compte bancaire en Suisse, le site Mediapart vient de recevoir un soutien de poids. C'est Le Temps, le quotidien de référence à Genève, proche des milieux financiers, reprend les informations du site internet français. Et y ajoute un élément.


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Le journal suisse relate les derniers éléments de l'enquête, à savoir la découverte d'Hervé Dreyfus, gestionnaire de fortune et homme de confiance de Jérôme Cahuzac. Selon Mediapart, c'est lui qui aurait aidé le ministre à "gérer son importante fortune personnelle, constituée pour partie d’avoirs non déclarés". Ce même Hervé Dreyfus figurerait sur la fameuse conversation téléphonique enregistrée, au cours de laquelle Jérôme Cahuzac aurait mentionné l’existence d’un compte en Suisse.


Selon Mediapart et Le Temps, Hervé Dreyfus a donné son nom à la société Hervé Dreyfus Finance. Au capital de celle-ci figurait, à sa fondation, "un influent financier suisse, Dominique Reyl, fondateur de la Compagnie financière d’études et de gestion, devenue Reyl & Cie en 1988".


Le quotidien suisse met à jour les relations de Hervé Dreyfus, auquel il prête des liens forts avec Nicolas Sarkozy, et Dominique Reyl. En effet, les deux hommes seraient demi-frères. Une nouvelle piste, dans ce qui ressemble de plus en plus à la première affaire d'Etat du gouvernement Hollande ?

 

 

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9 décembre 2012 7 09 /12 /décembre /2012 14:11

 

podcastimage_252104.gifJean-Marc Daniel est un économiste libéral qui chronique dans le Monde, à la radio et qui dirige la revue Societal. A force d’oublis et de contresens, son dernier ouvrage, intitulé Histoire vivante de la science économique,  a suscité   l’indulgence des spécialistes.

Féru d’histoire, Jean-Marc Daniel se plaît à comparer l’état des finances publiques avec la situation de l’Ancien régime et notre économiste libéral rêve d’une France qui accepterait, enfin,  de diminuer les dépenses sociales et les allocations chômage: (…) « la France doit arriver à un équilibre structurel et ne pas se donner des objectifs de politique budgétaire en terme de déficit en tant que tels, car il y a des phases conjoncturelles. Il faut donc baisser les dépenses publiques, accepter la baisse des prestations sociales et des allocations chômage et en France, on le sait, c’est assez délicat« . 

 

Jean-Marc Daniel, Atlantico (09/12/2012).

Jean-Marc Daniel, qui a les pieds sur terre, « sait » que nos concitoyens sont attachés à la protection sociale.

D’où l’idée de pointer du doigt une minorité,  les demandeurs d’emplois.  Mais sait-il que les dispositifs français en faveur de l’insertion professionnelle et de la lutte contre le chômage sont relativement peu dispendieux?

En France, la part des dépenses d’insertion professionnelle et d’aide  aux chômeurs n’atteint pas 2,4% du PIB  et régressait avant la crise:

allochomage.jpg

Le système français d’allocation chômage n’est pas le plus généreux du monde:


-43,7% des personnes inscrites à Pôle Emploi ne bénéficient d’aucune indemnisation et le tiers des demandeurs d’emplois sont en situation de pauvreté.


-85% des demandes d’indemnisation rejetées l’ont été en raison d’une durée d’affiliation insuffisante, principalement des femmes et des moins de 30 ans, catégories  particulièrement exposées au risque de non emploi.


-Sur une période de 5 ans, le taux de remplacement moyen du revenu est de 45%, à mi chemin entre la Norvège (72%) et les Etats-Unis (6%), ce qui nous place au 8ième rang mondial.


-La prise en compte des aides sociales et au logement ne modifie qu’à la marge le revenu net des demandeurs d’emplois (+ 1/3 de point).


Ce qui gêne Jean-Marc Daniel, c’est que la crise économique ait poussé le Gouvernement français à assouplir les conditions d’accès à l’assurance chômage, à partir de la fin 2008. 

Pourtant, cette entorse aux principes de la concurrence libre et non faussée n’est pas une spécialité locale puisque l’OCDE constate que 19 pays membres  sur 29 ont procédé de la même manière, octroyant ici une aide temporaire supplémentaire, et là des règles d’indemnisations moins contraignantes en faveur des jeunes qui avaient la malchance de quitter le système scolaire en pleine récession économique.

Ces décisions ont été justifiées par un certain sens de la justice, mais aussi par la volonté de soutenir la consommation en période de crise de la demande, deux motivations insolites dans l’univers intellectuel de Jean-Marc Daniel.

 

Source : Blog d'économie internationale

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9 décembre 2012 7 09 /12 /décembre /2012 10:32

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Les médias nous présentent parfois l’enjeu de Florange comme celui de l’affrontement entre le capitalisme Français et un nouveau capitalisme du Sud, indien, sauvage et mondialisé...

 

Mais qui est ce Mittal indien... 

 
- membre du Conseil d’Administration du groupe EADS (Airbus) 

 
- membre du directoire de la banque indienne ICICI Bank. 

 
- actionnaire du groupe minier anglo-australien Rio Tinto (producteur de fer, d’aluminium...) 


- membre du Conseil d’Administration de la banque Goldman Sachs (celle de Mario Draghi, (banque centrale européenne), de Mario Monti, (Italie), de Mark Carney, (banque d’Angleterre),...


C’était déja Goldman-Sachs qui avait permis à Mittal de réussir son OPA sur Arcelor en 2006, et le de Goldman Sachs le présentait ainsi

« sa grande compréhension de l’économie mondiale, son expérience, son jugement et son indépendance d’esprit seront un atout pour notre conseil d’administration »

Bref, un homme du sérail de ce capitalisme sans complexe qui ne connait de frontières que pour organiser les guerres qui assure sa domination...


Ce n’est pas l’Inde qui nous assaille, mais bien le capital...


Source :PCF.fr

 


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                           Goldman Sachs award to Gopesh Mittal

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26 novembre 2012 1 26 /11 /novembre /2012 10:55

Un nouvel article sur le blog contrelacour.over-blog.fr


1704 senat inside

Cette semaine, alors que les français (et, dans une moindre mesure, les médias!) se sont passionnés pour le duel Fipé-Collon, le Parlement français a terminé d'adopter la règle d'or budgétaire découlant du fameux Traité budgétaire.

Celle-ci est en effet inscrite dans uneloi organique que je vais vous résumer ci-dessous.

Surtout, il est intéressant de regarder de plus près le vote de nos chers parlementaires dont certains, trop soucieux de l'avis de leurs électeurs lors du vote du Traité, n'ont pas cependant jugé utile de confirmer leur opposition à l'austérité.

Rappel:


Le Pacte budgétaire, ratifié par le Parlement français début octobre, prévoit en son article 3 différents éléments devant être introduits dans le droit national :
 

- le principe de l'équilibre des comptes des administrations publiques
l'équilibre des finances publiques: les Etats doivent parvenir à leur objectif budgétaire à moyen terme, c'est à dire un déficit structurel limité à 0,5% du PIB
- la création d'un Conseil budgétaire indépendant
- la mise en place d'un mécanisme de correction automatique si l'Etat s'éloigne de cet objectif

En aout,le Conseil constitutionnel a décidé  que l'inscription du principe de l'équilibre des finances publiques pouvait s'effectuer dans une loi organique et non dans la Constitution elle même.
Contrairement à la pratique habituelle, la Constitution ne fait pas expressément référence à cette nouvelle loi organique.
François Hollande a échappé ainsi à la douloureuse réforme constitutionnelle qui nécessite de réunir les parlementaires en Congrès.

Ce rappel étant effectué, vous êtes en mesure de comprendre la construction de la loi organique, divisée en trois chapitres.

CHAPITRE Ier : DISPOSITIONS RELATIVES AUX LOIS DE PROGRAMMATION DES FINANCES PUBLIQUES


Par ce chapitre, la loi organique confie aux lois de programmation  le soin de faire respecter la limitation du déficit structurel.
Ces dernières, votées tous les trois ans, construisent en quelque sorte un "tunnel" dans lequel doivent évoluer les lois de finances votées chaque année.

Ainsi, la réforme ajoute de nouvelles obligations qui devront être prises en compte lors de la rédaction des lois de programmation.
Ce renforcement des lois de programmation est plutôt caucasse de la part d'un gouvernement socialiste qui, lorsqu'il était encore dans l'opposition, a mené la fronde contre la création de celles-ci par Nicolas Sarkozy en 2008.
A cette occasion, l'ancien Président de la République n'avait pas craint de réunir le Congrès pour incrire dans la Constitution la référence aux lois de programmation.
Il faut croire que le Parti socialiste préfère la discrétion quand il s'agit de renforcer la discipline budgétaire.

CHAPITRE II : DISPOSITIONS RELATIVES AU HAUT CONSEIL DES FINANCES PUBLIQUES ET A SON INTERVENTION TOUT AU LONG DU PROCESSUS BUDGETAIRE

La loi organique prévoit ensuite, suivant logiquement les prescriptions du Pacte budgétaire, la création d'un "Conseil budgétaire indépendant".
Le Haut Conseil des finances publiques sera chargé de veiller constamment à ce que les comptes publiques ne s'écartent pas trop du "tunnel" défini par la loi de programmation.

CHAPITRE III : DISPOSITIONS RELATIVES AU MECANISME DE CORRECTION AUTOMATIQUE

Le projet de loi organique n'est pas très précis quant aux modalités concrètes de ce mécanisme. Il renvoie aux lois de programmation le soin de le définir, indiquant seulement dans quel contexte il peut être enclenché.
Il reste donc à savoir si les dispositions prévues par le gouvernement seront suffisamment précises aux yeux des rédacteurs du Traité. Dans le cas contraire, la CJUE pourrait être saisie (par la Commission européenne notamment).


L'approbation de cette nouvelle loi par le Parlement français a duré un peu plus d'un mois:

- le 19 septembre, le gouvernement transmettait le projet de loi à l'Assemblée nationale et engageait ainsi une procédure accélérée (c'est désormais la norme en matière de texte "européen")

- le 10 octobre, après plusieurs jours de débat en Commission et plénière, l'Assemblée nationale adopte un texte quelque peu amendé

- le texte est transmis au Sénat qui l'amende à son tour et l'approuve le 30 octobre dernier

- Une commission mixte paritaire est convoquée afin de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion entre les deux chambres parlementaires.


Ce texte, définitif, est adopté par les députés le 19 novembre, puis par le Sénat le 22 novembre.

Conformément à l'article 61 de la Constitution, le gouvernement vient de saisir le Conseil constitutionnel qui doit désormais vérifier la conformité du texte avec la Constitution.

Regardons maintenant de plus près les votes de nos parlementaires.

Plus précisément: les parlementaires n'ayant pas voté pour la ratification du Pacte budgétaire ont-ils voté contre la loi organique chargée de sa mise en oeuvre?

Voici, en noir ceux qui ont maintenu leur position, en bleu ceux qui sont passés de l'opposition à l'abstention, en rouge ceux qui sont passés à l'approbation.

 

Par exemple: 

- Madame Bechtel (vice-présidente du MRC), qui avait voté contre la ratification du TSCG, a voté contre la loi organique

- Monsieur Mamère (écologiste), qui avait également voté contre la ratification du TSCG, s'est pourtant abstenu au sujet de la loi organique instituant la règle d'or 

- Madame Lienemann (socialiste), qui s'était faite remarquer par son opposition bruyante au Traité, a préféré voté pour la règle d'or budgétaire.

Je ne me suis attachée qu'aux parlementaires dits de « gauche ».


  • A l'Assemblée nationale

- Coté socialiste:

Contre: 

M. Pouria Amirshahi, Mme Marie-Françoise BechtelM. Jean-Pierre Blazy, Mmes Fanélie Carrey-Conte, Nathalie Chabanne, MM. Pascal Cherki, Henri Emmanuelli, Mme Linda Gourjade, MM. Jérôme Guedj, Razzy Hammadi, Mathieu Hanotin, Christian Hutin,Mme Chaynesse Khirouni, MM. Jean-Luc Laurent, Christophe Léonard, Michel Pouzol, Mme Marie-Line Reynaud, M. Denys Robiliard, Mme Barbara Romagnanet M. Gérard Sebaoun.

Abstention: 

Mme Isabelle Bruneau, MM. Olivier Dussopt, Daniel Goldberg, Régis Juanico, Jean-Philippe Mallé, Mmes Dolores Roqué, Suzanne Tallard, MM. Stéphane Travert et Michel Vergnier.

- Coté écologiste:

Contre:

Mmes Laurence Abeille, Brigitte AllainIsabelle Attard, M. Denis Baupin,Mme Michèle Bonneton, MM. Sergio Coronado, François-Michel LambertNoël Mamère,Mmes Véronique Massonneau, Barbara Pompili, M. François de Rugy et Mme Eva Sas.

Abstention:

Mme Danielle Auroi et M. Paul Molac.

- Coté « gauche radicale »

Contre:

M. François Asensi, Mme Huguette Bello, M. Alain Bocquet, Mme Marie-George Buffet, MM. Jean-Jacques Candelier, Patrice Carvalho, Gaby Charroux, André Chassaigne, Marc Dolez, Mme Jacqueline Fraysse, MM. Alfred Marie-Jeanne, Jean-Philippe Nilor et Nicolas Sansu.

Abstention:

M. Gabriel Serville

  • Au Sénat

Contre:


Aline ArchimbaudPierre-Yves Collombat, Thierry Foucaud, Marie-Noëlle LienemannÉlianeAssassi, Cécile Cukierman, Alain FouchéHélène LipietzMarie-France Beaufils, Jean-PierreGodefroyIsabelle Pasquet, Esther BenbassaAnnie David, Brigitte Gonthier-Maurin, DanielPercheronMichel Billout, Michelle Demessine, Joël Labbé, Jean-Vincent PlacéÉric Bocquet, Évelyne Didier, Pierre Laurent, Mireille Schurch, Jean-Pierre Chevènement, Christian Favier, Gérard Le Cam, Paul Vergès, Laurence Cohen, Guy Fischer, Michel Le Scouarnec, DominiqueWatrin

Abstention:

Kalliopi Ango Ela, Corinne Bouchoux, Jean Desessard, Robert Hue, Marie-Christine Blandin,Ronan Dantec

Au total, 45 parlementaires, qui s'étaient opposés ou abstenus lors du vote sur la ratification du Pacte budgétaire, ont finalement choisi d'approuver la règle d'or budgétaire inscrite dans la loi organique.

Contactée sur ce point, Marie-Noëlle Lienemann a justifié sa position en indiquant que la loi organique pourrait être - contrairement au Traité - modifiée par une simple loi au Parlement. Cette justification parait bien légère lorsque l'on sait que la loi organique ne fait que mettre en place des dispositions strictement conformes au Traité. Les marges de manoeuvre sont, à ce titre, quasi-inexistantes.


Une incohérence des votes qui n'est pas sans rappeler l'épisode du Traité de Lisbonne où certains parlementaires, soucieux de montrer au peuple leur désapprobation lors de la réforme constitutionnelle au Congrès, n'ont pas hésité à ratifier le Traité une fois retournés dans leur hémicycle respectif.

 

 

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